Marc Ferracci monte au front

Edito

Par Jean Poletti

Sans doute a-t-il de réelles qualités analytiques. Selon la formule chère aux macronistes, il est en même temps un ami du Président. Le voilà en charge de l’industrie. Un ministère qui est brusquement devenu une véritable poudrière tant la situation économique se dégrade. Il doit tenter d’essuyer les plâtres, accueilli par des quolibets lorsqu’il se rend sur des sites voués à la fermeture. Quelque cent-quatre-vingt plans sociaux prévus. Des milliers de licenciements. Une véritable Bérézina se profile. Le Bonifacien doit gérer une situation dont il n’a nulle responsabilité. Sans doute de telles situations sont-elles un crève-cœur pour le petit-fils d’Albert Ferracci, résistant, figure de proue du communisme insulaire, unanimement respecté. Il n’empêche la fameuse politique de l’offre d’Emmanuel Macron et son corolaire du ruissellement se traduisent par un échec flagrant. Et ce bilan désastreux est laissé comme un cadeau empoisonné à celui qui doit tenter de panser les plaies béantes de blessures industrielles qui deviennent par leur ampleur phénomène de société. Sans verser dans le jugement de valeur disons simplement que Marc Ferracci fait preuve d’un certain courage. Il n’hésite pas à tenter de dialoguer avec les grévistes. Dit sans ambages que l’horizon s’ourle de nuages noirs. Et dit que l’État veillera à accompagner les plans de licenciement. Sa voix est bien isolée au sein du gouvernement. Ses collègues de Bercy Antoine Armand et Laurent Saint-Martin affichent une éloquente discrétion pour ne pas dire un assourdissant silence. En forçant le trait, certains décèleront la crainte de se fourvoyer dans ce dossier incandescent. À cet égard nous revient en mémoire la fameuse phrase de Chirac : « La maison brûle et certains regardent ailleurs ». Ces illustres inconnus pensent-ils avoir un avenir ? Si tel était le cas ils se complaisent dans les chimères. Ils sont à contre-courant d’un Barnier qui fustigea l’efficience des généreuses aides dont bénéficièrent notamment les grandes entreprises, qui toute honte bue, délocalisent ou baissent les rideaux de certaines filiales. Mais son coup de colère, que l’on veut croire sincère, s’avère anecdotique puisque le chef du gouvernement affirme que nul remboursement ne sera demandé. Comme en écho, du côté de l’Assemblée nationale, d’aucuns réclament l’ouverture d’une commission d’enquête afin de déceler la réelle destination des deniers du contribuable, tandis que les dividendes augmentent de façon exponentielle. Michelin et Auchan sont les symboles  majeurs de ces largesses pécuniaires sans contrôle ou presque. Avec pour épilogue quelque plus de trois mille six cents mises au chômage pour ces deux sociétés. À elles seules elles ont pourtant empoché un pactole. Ainsi l’équipementier en pneumatiques avoue avoir perçu soixante-cinq millions d’euros au seul titre du crédit d’impôt pour la compétitivité. Et en cinq ans, le géant de l’alimentation, propriété d’une des principales fortunes de France, fit tomber dans son escarcelle près de cinq cents millions d’argent public. Face à ces errements gouvernementaux, se transformant en effets d’aubaine pour les grands capitaines de l’industrie, un changement radical s’impose. Il est simple et pétri de bon sens, que l’on dit chose au monde la mieux partagée. Instaurer un intangible principe de conditionnalité. Ainsi pourra être clairement identifié que l’octroi de subventions répond à l’intérêt général. Avec en corollaire des sanctions pour les dirigeants qui ne respecteraient pas les conditions clairement affichées. Cela relève de l’élémentaire équité. Car à l’heure où le gouvernement annonce un budget de grande rigueur et des mesures sociales restrictives pour le citoyen, il serait à tout le moins injuste que des sociétés continuent de détourner à leur profit exclusif des chèques généreusement octroyés pour soutenir l’emploi. Marc Ferracci est-il contraint à son corps défendant de jouer le mauvais rôle de pompier que d’autres pyromanes ont allumé par leur stratégie illusoire ? Rien n’interdit de le penser. Il dégage l’impression d’un homme isolé. Impuissant. Qui en appelle à une réaction européenne, semblant ainsi prêcher dans le désert, tant les capitales et Bruxelles semblent au mieux faire montre d’une écoute polie. Celle qui dissimule l’indifférence. La Corse, au niveau qui est le sien, n’est nullement épargnée par le climat ambiant. Tant s’en faut. Ici aussi l’économie est en berne. Nombre de petits commerces mettent la clé sous la porte. D’autres se séparent d’un ou deux salariés constituant leurs petites équipes. En cette période de Noël, l’activité est atone. Ne pas le voir constitue un déni de réalité. Il n’est pour s’en convaincre qu’à écouter les présidents de tribunaux de commerce pour être édifiés. L’un d’eux parle même d’une aube d’un point de non-retour. Le reste n’est que gesticulation médiatique, apanage de ceux qui disent que dans le bâtiment, le tourisme ou l’agriculture, la situation recèle des raisons d’espérer. Ici aussi le temps est venu de regarder la réalité en face, sans la cacher derrière la brume de propos opportunément distillés. Sans crainte d’erreur osons dire que Marc Ferracci ne démentirait pas.

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