MAROC: L’HEURE DE LA RECONSTRUCTION

Un mois après le tremblement de terre qui a détruit une partie du pays touchant sa population en son cœur, le Maroc se reconstruit.
De l’incroyable élan de solidarité qui a répondu à l’urgence aux initiatives locales et internationales, le pays s’affirme un peu plus comme une nouvelle puissance régionale.

Par Caroline Ettori

Sur la terrasse de son restaurant tout près de la Médina, le chef Moha, Mohamed Fedal, légende de la cuisine marocaine, se souvient de cette nuit tragique. Ce n’est pas une image qui s’est imprimée en lui mais un bruit indescriptible. «Terrifiant». « Le jour du tremblement de terre, nous étions en famille dans notre maison d’hôte. Il était un peu plus de 23 heures, je finissais de préparer le cours de cuisine que je devais donner le lendemain à un groupe de 100 personnes venues du monde entier. Quand, soudain, ce bruit. Et la terre qui tremblait. J’ai tout de suite alerté ma famille. » Le chef Moha ne veut plus penser à cette nuit. Il préfère garder en mémoire les jours qui ont suivi. «Dès le lendemain, l’instinct humain a pris le dessus. Ma première réaction a été d’ouvrir l’hôtel et d’accueillir les sinistrés. Nous avons utilisé les transats, les couvertures, l’eau, des fruits, on a préparé des repas. La mobilisation a été générale pour venir en aide aux victimes.» Si Marrakech a été relativement épargnée, les professionnels du tourisme, privés et publics, ont souhaité lancer différentes campagnes de promotion, notamment sur les réseaux sociaux pour rassurer les touristes et éviter les annulations en masse ce qui serait perçu, ici, comme une double peine. La ville est en effet le moteur du tourisme marocain qui représente 7% du PIB. Par ailleurs, le pays accueille entre 11 et 13 millions de visiteurs chaque année. «Marrakech est comme une fleur, encore plus belle qu’avant», conclut Mohamed Fedal qui se montre beaucoup plus inquiet concernant la région d’Al Haouz. L’épicentre du séisme.

L’AUTRE MAROC

Cette nuit du 8 au 9 septembre, c’est un tremblement de terre de magnitude 6,9 qui a ravagé l’ouest du Maroc, à environ 70 km au sud de Marrakech. Ce séisme, le plus violent depuis 120 ans, a provoqué des dégâts matériels considérables, des villages entiers ont été rayés de la carte, le coût humain est effroyable : près de 3 000 morts, plus de 5 500 blessés et selon l’Unicef 300 000 personnes seraient désormais sans abri dont 100000 enfants. L’accès aux petits villages de montagne était quasiment impossible les premiers jours, ralentissant l’avancée des secours d’urgence. Alors que le bilan s’alourdissait de jour en jour, les dons affluaient de tout le pays sans discontinuité, des dons matériels, financiers, les Marocains ont donné leur sang en nombre parmi lesquels le premier d’entre eux le roi Mohamed VI. Les associations se sont organisées, certaines se sont même créées pour cette triste occasion. Secourir, aider, retrouver des personnes encore vivantes sous les amas de terre et d’argile. Puis accompagner les survivants, les soigner, les loger, les nourrir. Puis reconstruire.

En Corse aussi, plusieurs initiatives ont été lancées pour venir en aide aux Marocains victimes du séisme. Najoua El Berrak, la consule générale du Maroc en Corse, a d’ailleurs été une interlocutrice privilégiée autant pour les associations que pour les institutions et les médias. De Porto-Vecchio à Bastia en passant par la Balagne, des associations ont récolté vivres et matériels à destination des habitants d’Al Haouz. Seul problème, la réception de ces dons n’était pas encore actée par le Maroc un mois après le tremblement de terre. Considérations administratives, logistiques, politiques. Une chose est sûre le Maroc veut absolument éviter de reproduire la situation de 2004 après le séisme d’Al Hoceïma où la désorganisation et l’engorgement des secours avaient causé plus de tort à la région et aux victimes.

SOLIDARITÉ COORDONNÉE

Ainsi, la Fondation Mohamed V pour la solidarité coordonne une grande partie des opérations sur le terrain et en dehors: aide d’urgence, déploiement des sites d’assistance médico-sociale de proximité, lancement d’une application pour la gestion des aides humanitaires… Dès les premières heures, la solidarité «sélective» du Maroc a été critiquée sur la rive nord. Pourtant, selon le journaliste de Medi1Radio Antoine Casalta, rien d’étonnant aux choix opérés par le pays : « Le Maroc a sollicité ou accepté l’aide de quatre pays, l’Espagne, le Qatar, le Royaume-Uni et les Émirats arabes unis. Des royaumes avec lesquels le Maroc s’entend le mieux en ce moment et la France n’en fait pas partie. » Là encore, les raisons sont nombreuses : la crise des visas, le rapprochement avec l’Algérie sur la question du Sahara occidental ou encore l’affaire d’espionnage Pegasus où le Maroc est soupçonné d’avoir mis sur écoute les téléphones de hauts dirigeants français dont celui du président Emmanuel Macron. Bref, les relations ne sont pas vraiment cordiales malgré les circonstances dramatiques. Néanmoins cet épisode dévastateur est loin d’avoir affaibli le Maroc sur la scène internationale. Quelques jours à peine après le séisme, la Banque Mondiale et le FMI ont réaffirmé leur volonté de tenir leur assemblée générale annuelle à Marrakech début octobre. Et consécration suprême, le royaume chérifien sera l’un des pays hôtes de la Coupe du Monde de Football 2030 avec l’Espagne et le Portugal. Autant de signaux positifs pour cette nouvelle puissance économique régionale, classée cinquième par la Banque Africaine de Développement et deuxième pays industrialisé, toujours selon la BAD. La crise politique n’aura donc pas lieu. Les critiques formulées à l’encontre du roi et de son trop long silence sont d’ailleurs incompréhensibles pour les Marocains tant le temps politique, le rapport à la communication et aux médias répondent à d’autres

LES ENFANTS, TOUT UN SYMBOLE

Par ailleurs, une priorité s’est clairement imposée dans l’action de l’exécutif quelques jours après le séisme: le sort des enfants et la continuité de l’enseignement. Fouad Chafiqi est inspecteur général des affaires pédagogiques au ministère de l’Éducation nationale. Il a la lourde tâche de coordonner la cellule de crise post séisme soit la gestion d’un millier d’unités scolaires ayant subi des dégâts. «Nous avons établi un plan en plusieurs phases. Dès le 10 septembre, nous nous sommes donné une semaine pour organiser les secours, recenser les sinistres matériels mais aussi les pertes humaines et travailler sur des solutions alternatives.» Les décès se comptent par dizaines, 9 enseignants et beaucoup d’enfants. «Notre principal défi était d’accéder aux zones sinistrées qui comptent près de 2000 agglomérations. Seuls les hélicoptères ont pu assurer un pont aérien.» Les cours ont malgré tout repris le 18 septembre avec un accompagnement psychologique des élèves et installations de tentes et de 500 unités modulaires pour les régions les plus touchées. De même, certains élèves ont pu intégrer des internats, le temps de la reconstruction.

LA FORCE DU LIEN MÉDITERRANÉEN

Solidaires, la Collectivité de Corse aux côtés de la Région Sud et de l’Occitanie ont engagé un million d’euros d’aide humanitaire pour la phase de reconstruction. Mais au-delà de partager une même zone géographique, la Corse et le Maroc ont toujours su garder des liens fraternels malgré les vicissitudes de l’histoire. Dernier exemple en date, alors même que les relations entre la France et le Maroc restent tendues, la Corse a accueilli le ministre marocain de la Défense Abdellatif Loudiyi à l’occasion des cérémonies des 80 ans de la Libération de l’île.

Un hommage a d’ailleurs été rendu aux tirailleurs et goumiers marocains qui ont joué un rôle décisif dans cette libération.

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