Un jour de match n’est définitivement pas un jour comme les autres. Pour un supporter, il est synonyme de pensées magiques, de statistiques improbables et autres analyses à rallonge. Chacun l’aborde à sa manière. Plus ou moins sereine. C’est précisément ce qu’a souhaité capter Laurent Di Fraja à travers son podcast Jour de Match. Plus que le récit d’une rencontre, des passionnés du ballon rond se livrent et partagent leur expérience unique.
Par Caroline Ettori
Connaît-on vraiment une personne avant de l’avoir vue devant un match de foot ? Peut-être pas. Le foot comme révélateur ou exutoire, le fameux miroir de la société qui transcende les passions pour le meilleur et pour le pire. Avec son podcast Jour de Match, Laurent Di Fraja, jeune journaliste de 24 ans et supporter du GFCA depuis toujours, a opté pour le meilleur en donnant, en redonnant même, la parole aux supporters.
Un match, mille histoires
En quelques minutes, ces passionnés remontent le temps et revivent l’intensité d’une journée exceptionnelle. On les suit au bar, chez eux, au stade, on sent monter l’urgence, la boule au ventre jusqu’au soulagement… ou pas. Bien sûr le résultat est connu à l’avance mais le programme tient sa promesse en même temps qu’il nous tient en haleine. Le score, les actions seraient presque anecdotiques. Ce qui se joue, c’est l’humain. L’immersion révèle quelque chose de très personnel chez ces supporters qui au final touche à l’universel. Qui n’a jamais connu l’impatience, l’intranquillité, et c’est peut-être Pauline qui en parle le mieux à l’occasion de la rencontre entre le PSG et le RB Leipzig d’août 2020 pour une place en finale de Ligue des Champions. Ou l’émotion d’une première fois, en l’occurrence celle de Lucas au stade Vélodrome le 16 avril 2009 où l’OM pliera face au Chakhtar Donetsk. Ou encore l’impression de vivre tout simplement « le plus beau jour de sa vie », comme Jules, le Parisien, supporter du Stade Rennais qui verra son équipe remporter la finale de la Coupe de France face au PSG le 27 avril 2019 au terme d’une séance de tirs au but éprouvante.
« Un jour de match, c’est un jour hors du temps qui place la personne dans un état d’esprit très particulier. On laisse parler son cœur. L’excitation, les rivalités, tout est exacerbé et la passion prend le pas sur la raison. C’est ça qui fait que ces moments sont mémorables », souligne Laurent Di Fraja.
C’est au cours d’une semaine consacrée au journalisme web durant sa première année de Master à l’Institut français de presse que l’idée a pris forme. « Cette formation m’a permis d’avancer sur le projet que j’avais en tête depuis un certain temps mais qui peinait à se concrétiser. » Pour l’étudiant ajaccien d’alors, il y a d’abord un constat. « J’écoute beaucoup d’émissions sur le foot et peu d’entre elles accordent une place au supporter qui est pourtant un élément majeur du jeu. J’ai eu envie de créer quelque chose qui mette en avant cette parole. Ce qui me plaît, c’est qu’un match mythique peut réunir plus de 40 000 personnes dans un stade et qu’il y aura plus de 40 000 histoires différentes à raconter. Avec Jour de Match, on revit la rencontre à travers une personne, son ressenti, son expérience. Le supporter n’est plus seulement spectateur, il devient un acteur du match », s’enthousiasme le journaliste qui donne aussi de la voix dans le podcast.
Pour chaque épisode, Laurent Di Fraja revient sur le contexte, rappelle les faits marquants de la rencontre et accompagne, auditeur et supporter, durant cette journée singulière. « L’interview dure une heure en moyenne pour un rendu d’une petite dizaine de minutes. Je voulais quelque chose de très scénarisé, très écrit entrecoupé d’une bande son qui nous projette dans le stade au cœur de la foule. » Grâce à ce talentueux touche-à-tout, auteur, réalisateur, monteur et ingénieur du son, la magie opère dès les premières secondes d’écoute.
Deux passions, un podcast
Jour de Match, c’est aussi la réunion des deux grandes passions de Laurent. À 10 ans à peine, il savait déjà qu’il voulait devenir journaliste. Faut-il le préciser, la révélation a évidemment eu lieu devant un match de foot. « Mon premier contact avec ce métier, je l’ai vécu à travers les rencontres que je suivais à la télé avec mon père. Les mardis et mercredis de Ligue des Champions, les dimanches de Ligue 1 étaient des rendez-vous immanquables. Et même si nous n’étions “que” devant notre télé, les journalistes assuraient le lien entre le stade, les tribunes, les joueurs et nous. J’admirais et admire encore aujourd’hui leur capacité de nous plonger dans cette atmosphère, chargée, tout en nous guidant dans le match et nous permettre de vivre une expérience à part entière. »
Par la suite, son parcours académique, d’Ajaccio à Bastia en passant par Corte, Aix-en-Provence ou Paris, et ses expériences professionnelles, à la radio, RFI, France Bleu ou en presse écrite au sein de la rédaction du Figaro confirmeront son choix. « J’ai la chance d’avoir su très tôt ce que j’avais envie de faire. Mais si le sport est mon domaine de prédilection, je suis curieux de tout. J’ai pu découvrir d’autres facettes du métier et autant de domaines à couvrir. Sans hiérarchisation. Il serait trop dommage de se restreindre à un seul sujet. »
Cet été, Laurent Di Fraja a pu se frotter au terrain insulaire en collaborant aux rédactions de Corse Matin et de RCFM. Sans pour autant oublier sa plateforme. Les prochains numéros de Jour de Match mettront à l’honneur le GFCA et le SCB. Les supporters de l’ACA devront patienter encore un peu.
Par ailleurs et même si la force du programme réside aussi dans son intemporalité, Laurent souhaiterait proposer une série spéciale sur les matchs emblématiques de la Coupe du Monde qui se déroulera cette année au Qatar entre le 21 novembre et le 18 décembre. Pour le journaliste, actualité oblige. On ne se refait pas.
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ENCADRE : Mezzavia, le 15 mai 2015
Laurent Di Fraja s’est prêté au jeu de Jour de Match. Il raconte : « C’est la montée du Gaz en Ligue 1, le vendredi 15 mai 2015 face à Niort. La semaine précédente, le match nul à l’extérieur contre Créteil avait retardé notre accession. Mais là on sentait que quelque chose pouvait se passer, l’ambiance était électrique et ça dépassait l’enceinte du stade. Toute la ville semblait fébrile. Je supporte le Gaz depuis l’âge de 4 ans, j’y ai joué pendant plus de 14 ans. On a connu toutes les divisions mais pour moi le Gaz représentait surtout le monde amateur et au mieux la L2. Alors imaginer le club en Ligue 1, affronter des équipes comme Marseille ou Paris, c’était surréaliste. Avec mon père, autre grand supporter du club, on a des rituels d’avant match : on ne part pas sans nos écharpes, on en met même une autour d’un petit bouddha à la maison quand l’enjeu est important, ce qui était le cas ce jour-là, on emprunte la même route… Rien n’est laissé au hasard ! J’avais été très stressé toute la journée, il pleuvait sur Mezzavia et une énergie différente pesait sur le stade. Ce n’est pas tant le souvenir du match qui m’a marqué. La rencontre est d’ailleurs assez hachée, c’est serré. On marque le but du 1-0, et cette équipe de Niort qui est joueuse nous donne du fil à retordre, nous rattrape au score. Nous sommes tout sauf rassurés. Quand le 3e but vient nous libérer, mon cœur est à deux doigts de lâcher. C’est la fin du match et je ne sais pas ce qui se passe, je pleure comme un gosse. Sur le terrain, c’est la fête. On a réalisé quelque chose de fou. J’ai mis du temps à le comprendre. C’était le summum pour mon club. J’ai la chance d’avoir connu la plus belle période de son histoire jusqu’à présent et j’ai pu la partager avec toutes les générations de supporters. C’est ce qui rend ce moment rare et précieux. »
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