Méliane Marcaggi : Retour aux sources
Par Anne-Catherine Mendez
À l’occasion de la sortie prochaine de Belle-Fille avec Alexandra Lamy et Thomas Dutronc, long métrage tourné en Corse, le rendez-vous avec Méliane Margaggi, jeune réalisatrice, était inévitable. De ses origines corses paternelles dont elle n’a eu aucune transmission, à l’écriture et la réalisation d’un film dont l’île en est le décor principal, Méliane pose un regard frais sur le cinéma français.
Vous êtes aujourd’hui scénariste et réalisatrice. Pourriez-vous nous offrir quelques éléments autobiographiques ?
Je suis née le 28 août 1978 en région parisienne, d’un papa sculpteur et d’une maman psychologue. Très jeune, je me suis intéressée au cinéma en fréquentant une salle d’art et essai proche de chez moi, avec plus tard la secrète envie de devenir comédienne. J’ai donc suivi une formation d’art dramatique qui m’a ouvert les grandes portes du cinéma et du théâtre. Je me suis tournée ensuite vers l’écriture, un domaine que j’avais très envie d’explorer. J’ai eu une première expérience de scénario et de réalisation avec un court métrage Et toi ? En 2009 pour me lancer dans le grand bain du long métrage avec Belle-Fille.
J’ai également écrit une bande dessinée sur Zola qui sortira cet été chez Dargaud.
Pourquoi avoir choisi la Corse comme lieu de tournage, alors que vous-même n’y avez jamais vécu ?
Il m’est apparu très vite que l’idée de tourner en Corse sonnait comme une évidence. Il fallait un lieu où je puisse isoler mon personnage principal, et je voulais livrer dans cette œuvre, quelque chose de personnel, mes origines. Je voulais renouer avec l’île, avec ce nom corse qui m’appartient mais finalement avec lequel je n’ai aucun lien identitaire. Ce besoin de renouer avec mes racines s’est développé avec la maternité et ne m’a plus quittée.
Votre papa, originaire de Bocognano vous a-t-il, comme souvent les Corses de la diaspora, parlé d’une Corse fantasmée, rêvée ?
Mon grand-père, militaire, est rentré d’Algérie pour épouser une Auvergnate, la Corse n’était plus à l’ordre du jour. Mon père a rompu très jeune avec ses origines. 1968 est sans doute passé par-là, et il a fait un déni de ses racines. Moi pendant l’adolescence, je suis souvent allée dans l’île en colonie de vacances puis pour explorer le GR20. Un jour, je suis arrivée dans le cimetière de Bocognano, j’ai vu toutes ces tombes qui portaient mon nom, j’ai su d’où je venais (rires). Le fait d’avoir ensuite des enfants m’a convaincue d’aller explorer davantage ce côté corse qui sommeillait… Mon père aujourd’hui est très touché par le fait que j’ai pu réaliser ce film sur notre île.
Comment s’est donc passé le tournage ?
Tourner en Corse a été un véritable bonheur, nous avons été extrêmement bien accueillis. Cette aventure a été faite de plaisir, de joie dans un décor somptueux. Tous les collaborateurs corses au film ont été magnifiques et très professionnels… Sur cette île, je ressens toujours quelque chose qui m’est proche, les odeurs, la montage et si j’écris, autant écrire sur quelque chose qui m’émeut, qui me touche.
Comment percevez-vous la Corse ?
N’ayant jamais vécu sur l’île, je perçois son côté franc, fier, l’attachement à des valeurs. Il y a quelque chose de droit que j’apprécie. J’ai l’impression que le temps a moins de poids sur les choses, comme l’impression que tout reprend sens.
C’est peut-être plus difficile de tourner en Corse, plus onéreux, mais, en même temps, ce sont des conditions optimales. Une immersion totale pendant 5 semaines, qui provoque chez chacun un investissement absolu dans le film. Pendant le tournage, on était comme dans une bulle. La Corse, c’est très inspirant.
Quelles traces laissées à cette expérience ?
Premièrement, c’est plus facile de réaliser quand on a écrit le scénario. Le cinéma, c’est ensuite un travail d’équipe, chacun met sa pierre à l’édifice, paradoxalement j’ai trouvé l’aventure bien plus collégiale qu’au théâtre.
J’ai l’impression de voler les talents de chacun, sans que personne ne soit lésé sur l’importance et la qualité de son rôle, de sa fonction.
Quel regard portez-vous sur le cinéma français ?
J’adore le cinéma français, son imperfection, son charme qui n’existe pas ailleurs. Avec mon expérience de scénariste et de réalisatrice, je n’arrive plus à critiquer le film d’un autre. C’est tellement d’investissement personnel, je peux aimer ou ne pas aimer mais je ne peux plus critiquer. Et puis s’il y avait une recette, il n’y aurait que des succès.
Qu’est-ce qui vous met en colère ?
Je ressens une grande tristesse sur le monde d’aujourd’hui, sur l’état de la planète. C’est la seule vraie urgence pour moi. Le manque de réactivité ambiant me met en colère, me désarme.
De quoi êtes-vous fière ?
Je suis fière d’avoir fait ce film, d’avoir rendu les gens heureux. Je ne fais que ça depuis 18 mois ! La seule chose qui compte est de savoir saisir ce qui se passe à l’instant, je lutte pour ne pas regarder en arrière.
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