MÉNOPAUSE : Où sont les femmes ?


Par Jean-Pierre Nucci

« Une femme de 25 ans, c’est mieux qu’une femme de 50 ans ! » Merci pour ce grand moment de philosophie, il a bouleversé tant de vies. Donc après réflexion on peut en déduire qu’un jeune corps disgracieux, c’est mieux qu’un vieux corps de rêve. On a du mal à comprendre. Imaginez qu’on dévisse un visage laid, qu’on le visse sur un corps de rêve, qu’est-ce que cela donnerait ? Ou l’inverse, qu’on visse un visage de rêve sur un corps disgracieux. C’est compliqué. Outre que l’opération serait coûteuse, il resterait le risque de se tromper. À ce train-là, on ne s’en sortirait pas. À tout le moins, son auteur aurait pu dire : « toutes choses égales par ailleurs, une femme de 25 ans… Cela supposerait que la qualité de la peau, la fermeté des muscles… Ce serait aller un peu loin dans l’abject. Non ce qui prime, ce n’est pas le corps, mais bien l’esprit. Facile ! Attendez. Rien de plus significatif que l’exemple de Germaine de Staël pour illustrer ces propos. Cette femme de tête qu’on nommait à juste titre « la princesse de la pensée » reconnue pour être la plus intelligente de sa génération était aussi douée pour l’art de la conversation : « feu roulant d’humour et d’esprit ». Malgré cela, elle était décrite par les sots et les machistes comme une femme laide, lourde et sans attrait. Lisons les écrits du triste Fouché à ce sujet : « ce n’est pas votre faute si vous êtes laide, mais c’est votre faute si vous êtes intrigante ». Cette femme donc, malgré sa laideur, multiplia les amants et non des moindres, le comte de Narbonne, l’homme le plus élégant d’entre tous, Benjamin Constant, le chantre de la liberté, John Rocca de 20 ans son cadet et bien d’autres encore. Le jeune John l’aima de toute son âme malgré l’écart d’âge qui les séparait. Lui qui était jeune la préféra à une plus jeune, voilà qui est intéressant. L’exemple oblige à reconsidérer la théorie de l’auteur en question qui, on se le rappelle, affirme qu’une femme jeune c’est mieux qu’une moins jeune et, par extension, même pour les hommes jeunes. Il y a les Papous à poux, les Papous pas à poux…

Passé 50 ans, l’âme reste inchangée, le corps change : « On s’entretient, on pratique l’exercice physique, on mange peu, on ne fume plus, on boit moins… » C’est formidable, je vous encourage à continuer et là, c’est le coach sportif qui parle, on ne se refait pas. Plus sérieusement, à 50 ans, ce n’est pas l’aspect physique qui change, c’est l’aspect physiologique. À l’extérieur, pour peu que l’on s’entretienne, rien ne bouge, mais à l’intérieur un bouleversement s’opère. Est-ce cet aspect que l’auteur évoquait quand il prétendait qu’une femme de 25 ans ? L’offense serait impardonnable. D’aucuns diront qu’il ne fait que dire tout haut ce que les hommes pensent tout bas. Mon œil ! Exprimer cela prétendrait à affirmer que les mâles sont tous des rustres, que les Auvergnats sont tous pingres, les Corses violents…

Bon ! tout le monde a compris que j’évoque ici la ménopause. Sujet brûlant s’il en est, auquel il ne vaudrait mieux pas s’attaquer. Trop tard. Abordons maintenant la question qui turlupine les hommes : les mutations physiologiques naturelles vécues par la femme de 50 ans remettent-elles en question sa sensualité ? La question est inconvenante, grotesque même, mais mérite qu’on s’y arrête. Retenons que l’ignorance conduit à l’idiotie. Connaître et comprendre la psychologie féminine n’est pas aisé. Connaître les subtilités de son organisme de même. Et puis, tout ne peut pas se résumer au sexe. La ménopause ce n’est pas la fin de tout, c’est surtout un passage plus ou moins douloureux, cela dépend des individus, où l’on pense que la jeunesse est derrière soi, alors qu’en réalité elle est partie depuis bien longtemps, ben oui quoi ! Et l’on ressent le sentiment que le reste à venir sera inintéressant, ben non quoi ! Et l’on voit apparaître devant soi l’image désastreuse de « la mémère » aux hanches larges qui a mis les outils au grenier. C’est dit !

Tout cela est faux. Une femme ne change pas. Ce sont les idées reçues véhiculées depuis des générations, surtout par la caste masculine, qui les entretiennent. Non la sensualité d’une femme ménopausée de 50 ans ne faiblit pas. Je me demande ce que pensent les hommes de celle de Monica Bellucci, ou de Jennifer Aniston voire de Carla Bruni.

Où sont les femmes ? chantait Patrick Juvet dans les années soixante-dix, paroles de Boomer. On prétend que les paroles de cette chanson sous l’hymne disco cachent un manifeste antiféministe, voyons cela :

Elles portent un blouson noir.

Elles fument le cigare.

Font parfois un enfant.

Par hasard.

Et dès que vient le soir.

Elles courent dans le néant.

Vers des plaisirs provisoires.

Eh ben dis donc mon vieux, elle n’est pas faite dans la dentelle celle-là ! Continuons un peu.

Elles ne parlent plus d’amour.

Elles portent les cheveux courts.

Et préfèrent les motos.

Aux oiseaux.

Elles ont dans le regard.

Quelque chose d’un robot.

Qui étonne même les miroirs.

Pow ! Pow ! Pow ! Et dire qu’on a tous adoré l’écouter et dansez dessus à une époque révolue sans identifier la moindre allusion machiste. Quand je vous disais que ce sont les idées reçues qui façonnent la société.

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