Montessori: L’autre pédagogie
Si beaucoup de choses se jouent dans la toute petite enfance, il n’est pas toujours facile pour les parents d’accompagner leurs chers bambins dans leur développement. À Ajaccio, les Ateliers d’Olympe animés par Olympe Ghiselli, proposent de leur donner les clés de la pédagogie Montessori encourageant l’autonomie de l’enfant dès son plus jeune âge.
Ce mardi matin à la ludothèque, les mamans sont attentives : développement de l’enfant, réaménagement de l’espace, éveil sensoriel… Elles participent aux Ateliers d’Olympe consacrés à la pédagogie Montessori à destination des parents d’enfants âgés de 0 à 3 ans. Loin d’être une nouvelle lubie pour parents en mal de tendance, cette méthode d’enseignement alternative conceptualisée dès la fin du XIXe siècle par Maria Montessori, première femme médecin en Italie, est en fait la pédagogie la plus répandue dans le monde. En Europe, aux États-Unis, sur le continent indien, la méthode a connu une expansion sans pareil avec un objectif simple : accompagner l’enfant vers l’autonomie dès son plus jeune âge. La liberté de parole et de mouvement, l’ordre, l’autodiscipline, le respect du rythme de chaque enfant sont quelques-uns des principes fondateurs de la pédagogie. En Corse, il n’existe pas encore d’école Montessori. Olympe Ghiselli a voulu pallier ce manque en partageant ses connaissances avec les parents afin qu’ils mettent en application ces préceptes, chez eux.
Repousser ses limites
« Il ne faut pas avoir peur de repousser nos limites et lâcher-prise. La pression sociale, familiale peut nous empêcher de remettre en cause les principes d’éducation traditionnels », s’enthousiasme l’éducatrice diplômée, également maman de trois enfants. C’est une rencontre amicale qui la poussera à se plonger dans les livres de Maria Montessori. Une révélation. Alors qu’Olympe pensait avoir laissé une grande liberté d’action à ses aînés, Faustin et Paloma, tout est remis en cause à la lecture de ces ouvrages. « Quand Abel s’est présenté, j’ai voulu faire les choses autrement pour lui. » Se libérer de la norme. C’est également ce que recherche une des mamans présentes. Une amie lui a parlé des Ateliers d’Olympe. Après une recherche Internet et la validation de la démarche par un professionnel de santé, elle franchit le pas. «Nous avons plus peur pour notre petit dernier âgé de 3 ans que pour notre fille aînée. On ne le laisse rien faire. J’attends de cette méthode qu’elle nous permette de moins le brider tout en lui offrant un cadre. Quelque part, c’est changer ce que nous sommes aussi. »
L’enfant au centre
Après le changement de mentalités, il faudra s’attaquer au réaménagement de son intérieur. Avec cette pédagogie, l’enfant est replacé au centre de la maison et de la cellule familiale. Après l’enfant-roi et l’enfant-accessoire de mode, il réintègre le foyer et accompagne ses parents au quotidien. On commence par la chambre, divisée en quatre espaces, sommeil, éveil, détente et habillement, qui évolueront en fonction de l’âge de l’enfant. Le tout dans un style épuré, loin de la surconsommation de jouets et autres peluches. Dans l’idéal et si votre intérieur vous le permet, chaque pièce de la maison peut accueillir un coin dédié à l’enfant. Il ne s’agit pas de laisser traîner des jouets partout mais d’organiser une petite dînette dans la cuisine ou un nécessaire de toilette dans la salle de bains. À hauteur d’enfant pour que celui-ci puisse se responsabiliser très tôt.
Vers l’autonomie
«La pédagogie Montessori consiste à donner à l’enfant les moyens d’acquérir une autonomie le plus vite possible. Cela implique de les laisser toucher, se déplacer, nommer les choses… Concrètement à trois ans, et selon les principes de la pédagogie, les enfants sont capables de se brosser les dents, les cheveux, enfiler ses chaussures, connaître les rituels de la maison pour le coucher par exemple, aider à mettre la table ou nettoyer derrière lui. » Face aux critiques d’une éducation trop permissive, Olympe Ghiselli tient à balayer quelques idées reçues. «Liberté ne veut pas dire débâcle. L’enfant doit se sentir soutenu et accompagné pour découvrir le monde dans lequel il vit. Beaucoup de gens mélangent liberté d’action et laisser-faire. L’enfant a besoin de limites pour tester ses parents, son entourage. Tout ne tourne pas autour de lui. L’ordre, la propreté, la politesse sont essentiels.» Après la découverte de la pédagogie, ce vivre-ensemble, cette vie pratique, est d’ailleurs le thème principal du deuxième atelier. « Pour Maria Montessori, les enfants ont un esprit absorbant. Il absorbe tout ce qui l’entoure, le positif comme le négatif. C’est ainsi qu’il se construit», ajoute Olympe. Ce même principe régit le troisième rendez-vous consacré à la vie sensorielle. Des exercices sont ainsi dispensés pour éduquer non seulement les cinq sens mais également un 6e, le sens stéréognostique qui permet de reconnaître le volume d’un objet par le toucher. Du mobile de Munari en noir et blanc, au mobile de Gobbi, en passant par les boîtes à son et l’anneau suspendu, chaque stimulant répond à des règles mathématiques et scientifiques précises permettant d’éveiller les sens : profondeur, lumière, distance, nuances, mouvement… Le plus : certains éléments peuvent être faits maison! Une seule règle: aller au rythme de l’enfant et ne pas le placer dans une position d’échec automatique. Enfin, les deux derniers ateliers portent sur la coordination main-œil et la kinesthésie pour appréhender à la fois l’environnement et son propre corps, et le langage qui clôt le cycle. Pour ce dernier volet, Olympe encourage l’utilisation d’un vocabulaire précis et approprié. «Les mots ne sortent peut-être pas avant deux ans mais les enfants comprennent tout. De même, pour les livres, je conseille des livres et des histoires qui s’ancrent dans le réel pour développer leur imaginaire. » La formation s’étend sur cinq semaines, une matinée par semaine. Chaque rencontre est l’occasion d’échanger sur la mise en pratique des notions, de ce qui a marché ou moins bien marché, de leur acceptation par l’enfant et l’entourage proche. Sans jugement et en toute discrétion, on ne compare pas l’évolution d’un enfant par rapport à un autre. Autre principe de cette pédagogie. Chacun son rythme, la compétition c’est avec soi-même. Une jeune maman est avec son bébé de 5 mois. Impatiente de mettre en application les conseils du jour, elle résume sa démarche: «C’est essentiel de comprendre comment les enfants fonctionnent pour les accompagner le mieux possible. Et cela nous aide aussi. En même temps, tout ce qui est dit semble tellement naturel. Il suffit d’observer son enfant pour connaître ses attentes. » Dans les années 30, Maria Montessori écrivait : « L’adulte est véritablement aveugle à l’enfant.» Près d’un siècle plus tard, ces ateliers de parentage tentent humblement de leur ouvrir les yeux.
Caroline Ettori
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