NAVIGATION DE PLAISANCE Quel cap après la crise?
La crise sanitaire liée à la Covid-19 touche l’ensemble de la société française et internationale. L’Union des ports de plaisance de Corse (UPPC) détaille l’impact subi et des actions mises en place pour y faire face. Tour d’horizon avec Jean Toma, son président.
Propos recueillis par Petru Altiani
Jean Toma, suite à la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19, quelle est aujourd’hui la situation des activités de Plaisance en Corse ?
Comme tous les secteurs de l’économie, le secteur Nautisme/Plaisance est très durement touché par les répercussions de la pandémie. La reprise des activités portuaires et de la navigation en Méditerranée est un enjeu capital pour l’ensemble du secteur dont les ports sont le squelette.
L’impact en termes de recettes qui est entrevu concerne particulièrement les recettes de passage, les redevances d’occupation temporaire du DPM (Domaine public maritime) et les activités connexes liées aux aires de carénage.
Au-delà de la situation des ports de plaisance eux-mêmes, il convient de prendre en considération l’effet levier que ces infrastructures ont sur l’ensemble de l’économie insulaire car l’activité portuaire impacte directement les filières des industries nautiques mais aussi d’autres secteurs comme la restauration, les hébergements et les commerces et services.
Comment la saison touristique 2020 s’annonce-t-elle pour le secteur ?
Outre l’impact économique qui aujourd’hui est déjà évalué à plus ou moins 35% de perte de chiffre d’affaires, la limitation des conditions de navigation, qui a restreint la distance à 54 miles nautiques au départ du port d’attache, a été très pénalisante.
Aujourd’hui, la saison semble repartir avec des réservations qui reprennent et une activité à nouveau à la hausse.
L’objectif est de capitaliser sur le travail effectué et de communiquer sur toutes les mesures de sécurité prises aussi bien pour les plaisanciers que pour les personnels des ports et la population afin de réinstaurer la confiance nécessaire.
Dans ce contexte tendu, comment les actions de l’UPPC s’articulent-elles ?
Au niveau de l’UPPC, nous avons rapidement intégré un groupe de travail national qui a mis en synergie toutes les unions régionales de France. Ainsi nous avons contribué aux travaux de la Fédération française des ports de plaisance afin de favoriser une reprise d’activité en sécurité.
Pour assurer le retour des plaisanciers en sécurité dans les ports, le groupe de travail a pris des engagements en termes d’actions et de moyens à mobiliser.
Ces actions ont été présentées dans plusieurs documents, qui ont été remis au Secrétaire général à la Mer, Denis Robin, et qui ont été traitées au niveau de la mission Castex. Elles s’articulent autour d’une charte d’engagement face à la crise sanitaire, d’un Guide des bonnes pratiques pour la sécurité des plaisanciers, de consignes à destination des personnels des ports de plaisance face à la crise sanitaire ou encore d’affiches de sensibilisation.
Dans le cadre de son travail en collaboration avec la Préfecture de Corse et les services de l’État, l’UPPC a plaidé et œuvré pour une ouverture concomitante des espaces portuaires, de la navigation en Méditerranée et de la fréquentation des plages.
Nous avons accompagné les communes du réseau mais également d’autres communes et communautés de communes dans leurs actions pour la réouverture des plages.
Ainsi, nous avons utilisé l’expérience acquise en début de crise au sein du groupe de travail de la fédération nationale pour proposer une signalétique de base à destination du grand public afin de garantir l’information et permettre aux communes d’envisager l’accès aux plages.
Parallèlement, l’UPPC a organisé une réunion en visioconférence regroupant autour de la table virtuelle Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif, Serge Pallares, président de la Fédération française des ports de plaisance et les représentants des ports de Corse. Ce travail collaboratif permet d’œuvrer efficacement sur les conditions de reprise de l’activité. Nous participons également à la définition du Plan de Relance du Tourisme dirigé par les services de l’Agence du Tourisme de la Corse et poursuivons un travail afin de mettre tous les acteurs du secteur en phase de collaboration.
Quel bilan pouvez-vous dresser du chemin parcouru par l’UPPC en l’espace de 15 ans d’activité ?
L’Union des ports a été créée afin de mettre en synergie les communes, les ports et les mouillages organisés de notre île autour de valeurs communes.
L’UPPC est aujourd’hui une association qui représente 7 000 anneaux et s’emploie à favoriser le développement de la filière à travers des actions de structuration des réseaux, de promotion de la destination tout autant que la prise en compte des dimensions économique, sociale et environnementale de l’activité portuaire.
L’Union permet ainsi de mettre de réunir au sein de la même structure les principales agglomérations de Corse (Bastia, Ajaccio, Calvi, Porto-Vecchio, Propriano…) tout en donnant une grande place aux petites localités qui font face à des pressions touristiques et économiques importantes et des enjeux de développement capitaux pour la Corse.
Jusqu’en 2015, l’Union a bénéficié du soutien financier de l’Adec, puis de l’ATC. Ces différents dispositifs nous ont permis de créer et de renforcer notre réseau mais nous a aussi permis de développer des relations durables avec des partenaires nationaux et internationaux, notamment via des programmes européens. Aujourd’hui, notre situation est plus difficile car plus aucune aide ne nous est accordée. Nous n’avons pas d’autres choix que de limiter nos actions et nous recherchons sans cesse de nouvelles sources de financement.
Le rayonnement de la Corse en Méditerranée et en Europe est également l’une de vos priorités. Comment cela se matérialise-t-il ?
Ces 15 dernières années, nous avons réalisé de nombreuses actions de promotion en direction des clientèles à potentiel que sont les Allemands, les clientèles nordiques ou encore nos voisins italiens qui représentent une grande part de notre clientèle étrangère.
Dès sa création, l’UPPC a tissé des liens avec les ports de Sardaigne. Nous avons abouti à un partenariat car nous considérons que l’archipel corso-sarde est un bassin de navigation cohérent et attractif qui se trouve en concurrence mondiale avec d’autres destinations. C’est pourquoi nous avons fait de nombreuses actions de promotion ensemble.
Mais au-delà de l’enjeu commercial, ce partenariat a permis aux ports corses de progresser dans leur appréhension du marché de la plaisance ou encore dans leurs pratiques. Nous avons acquis une importante expérience des programmes transfrontaliers lors de sa participation à deux programmations Italie France Maritime : Odyssea et Tourisme Port Environnement.
Aujourd’hui, le nouveau projet européen (Port 5R) auquel participe l’UPPC et dont la Ville d’Ajaccio est partenaire, porte sur la gestion des déchets et des effluents. L’UPPC propose une approche innovante et inclusive pour répondre aux besoins spécifiques du territoire corse qui éprouve de grandes difficultés à définir ou à mettre en œuvre des plans de gestion efficaces et durables en matière de déchets dans les zones portuaires et à l’échelle régionale.
L’UPPC accompagne le programme Interreg « Port 5R » car ce projet poursuit des objectifs réalistes visant à améliorer la gestion durable des déchets produits par les navires et dans les ports de la zone de coopération en adoptant la stratégie des 5 R qui apparaît comme complète et efficace. Cette stratégie repose sur les thématiques suivantes : recycler, réduire, repenser, réparer et réutiliser qui doivent être appliquées à tous les stades de la vie portuaire et s’adresse aussi bien aux gestionnaires qu’aux plaisanciers et aux professionnels.
Quel est votre sentiment suite à la récente labellisation par le « Pavillon bleu », notamment de 4 ports de plaisance de Corse dont celui de Solenzara ?
L’UPPC se réjouit que la Région Corse affiche un nombre croissant de ports et plages recevant le Pavillon Bleu avec cette année 4 ports et 3 plages.
Depuis 2006, notre Union régionale accompagne les ports de plaisance dans la mise en place d’une gestion environnementale ambitieuse. Ce célèbre label valorise chaque année les communes et les ports de plaisance qui mènent de façon permanente une politique de développement touristique durable. Pour les ports, les critères évalués sont par exemple l’éducation à l’environnement, la préservation du milieu, la gestion du site des déchets ou encore de l’eau. Le Port de Solenzara, qui compte 28 pavillons bleus depuis 1992, a ouvert la voie pour le secteur plaisance en Corse et a été rejoint progressivement par d’autres structures. Cette distinction récompense aujourd’hui une gestion raisonnée des ports qui deviennent ainsi des outils majeurs d’une véritable politique de développement durable.
Selon vous, la Corse peut-elle être une terre de référence en matière de pratique durable de la Plaisance ?
La protection environnementale est le grand défi qui attend la Corse et nous en avons fait l’une de nos priorités. Outre le projet Port 5R, l’Union a réalisé un programme régional, du nom de Port bleu-Econable qui visait à réduire les pollutions chroniques en lien avec l’avitaillement. Ce projet qui a reçu le soutien de l’Office de l’Environnement de la Corse et du Groupe Ferrandi a tracé une nouvelle voie pour l’Union qui se consacre beaucoup à la thématique environnementale désormais.
L’Union des ports de plaisance de Corse ambitionne d’accompagner les ports insulaires dans une démarche de gestion durable des déchets et d’amélioration de la qualité des eaux.
La protection des écosystèmes littoraux est un enjeu capital pour les infrastructures portuaires qui se sont regroupées au sein de l’Union afin de favoriser le développement de solutions novatrices.
Quel est le prochain cap pour l’UPPC ?
Durant ce contexte de crise, nous avons constaté l’indéniable pertinence de l’UPPC car cette instance nous a permis d’appréhender collectivement les problèmes.
L’Union a créé cet espace de travail, indispensable en période de crise, dans lequel les instances nationales comme la Fédération française des ports de plaisance, contribuent aux côtés des représentants de l’État, de la Région et des gestionnaires de Port.
Nous avons entamé un travail avec le président du Conseil exécutif qui se poursuit actuellement et nous espérons que cela débouchera sur un soutien financier car sans financement nous serons obligés de restreindre considérablement nos actions et nos ambitions.
Pensez-vous qu’il y ait suffisamment de ports de plaisance en Corse ?
Les infrastructures portuaires en Corse sont bien moins nombreuses et moins vastes que dans les autres régions de l’ouest de la Méditerranée, comme la Sardaigne, les côtes italiennes, espagnoles ou la Riviera. Ces dernières années, une large part a été faite au développement des mouillages organisés. Ces derniers peuvent être des infrastructures très intéressantes pour l’activité en saison mais ne peuvent pas entièrement correspondre aux critères du développement durable du fait de leur hyper saisonnalité. Il faudrait à mon sens, de manière modérée mais suffisante, procéder à la transformation de certains mouillages en ports et imaginer la création d’un ou deux ports dans les zones où le cabotage est difficile en raison des distances importantes comme par exemple sur la Côte-Est.
Quels sont les enjeux de tels équipements pour le territoire insulaire et les communes ?
Le port est un lieu stratégique car il est à la fois la porte d’entrée du territoire, sa vitrine et un site hautement touristique. Parallèlement, le port est au centre de l’économie du Nautisme et de la Plaisance et a un effet levier très important sur de très nombreux autres secteurs.
L’avenir de beaucoup d’entreprises insulaires repose sur la gestion des espaces portuaires. La responsabilité des gestionnaires et des collectivités est grande à ce niveau-là.
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