Nicolas Grimaldi: Penseur de la vie

Portrait

par Karine Casalta

30519824612_3190633da3_o

« Tout dans la nature va naturellement à sa fin alors que l’homme se demande quelle fin il doit poursuivre ». C’est à partir de ce constat qui s’est imposé à lui très tôt que Nicolas Grimaldi s’est attaché tout au long de sa vie à décortiquer les ressorts de la condition humaine, nourrissant sa réflexion philosophique au travers de grandes questions métaphysique, éthique ou encore esthétique.

Docteur en philosophie, professeur émérite à l’Université Paris IV-Sorbonne où il a occupé les chaires d’histoire de la philosophie moderne puis de métaphysique, il a abordé tout au long de sa carrière son questionnement sur l’homme au travers de nombreux sujets de réflexion touchant entre autre à des notions aussi diverses que l’imaginaire, le temps, le désir, la jalousie, ou encore l’attente.

L’énigme de l’homme

Des interrogations qui vont naître dès sa prime jeunesse. Né à Paris en 1933, il est très tôt éloigné de ses parents en raison de l’état de santé fragile de sa mère, et de l’indisponibilité de son père, un instituteur originaire de Sartène, devenu fonctionnaire des Postes, entièrement consacré à son travail et à ses activités syndicales (il participa à la fondation de Force ouvrière). Un père avec lequel il se sentira toujours en discordance et auquel il s’efforcera de ne jamais ressembler. Il passe ainsi les premières années de sa vie de façon assez solitaire, chez ses grands-parents maternels au Pays basque. Il trouve alors dans les livres la seule compagnie venant rompre sa solitude. Dès cette période, il perçoit un caractère énigmatique dans la plupart des existences qui l’entourent. Cela l’interroge et vient nourrir sa réflexion. « Étant toujours seul dans mon enfance, sans camarades pour jouer hors le cadre de l’école, j’ai été frappé par le caractère paradoxal de ce que n’ayant besoin de rien, sans contraintes ni obligations, étant indépendant de tout, je ne me suffisais pas ! Un individu n’a pas en lui-même sa propre suffisance. Que manque-t-il donc à celui qui ne manque de rien ? Puis peu après, dans mon entourage, j’ai vu tout un chacun s’interroger sur ce qu’il devait faire de sa vie pour ne pas l’avoir perdue. Par la suite encore, sous l’Occupation, j’ai vu les uns et les autres aussi anxieux de s’être ou de ne s’être pas engagés et par conséquent, menant leur vie comme une énigme dont la réponse était à trouver… Je suis devenu philosophe pour tenter d’élucider cela ! »

 

Un professeur exigeant et généreux

Mais comment se vouer à la philosophie et néanmoins gagner sa vie ? Il lui semble alors que devenir professeur lui offrait une solution et lui laisserait le temps d’écrire « je me suis bien trompé car je ne me doutais pas en entrant dans l’enseignement ce qu’il en coûte d’être un professeur à peu près convenable ».

Il devient donc en 1958 professeur de philosophie, et enseignera aux élèves de khâgne des lycées Janson-de-Sailly et Molière (Paris) avant d’intégrer ensuite l’université, à Brest d’abord, puis Poitiers, Bordeaux et enfin la Sorbonne jusqu’en 1994.

Ambitionnant de devenir le professeur qu’il aurait souhaité avoir, sa vie n’est alors gouvernée que par le souci de ne pas décevoir ses élèves. Il travaille avec acharnement, sans jamais s’accorder de répit, s’enfermant avec ses livres pour remettre sans cesse sur le chantier les certitudes obtenues la veille et finalement, dit-il, « vivre ainsi dans une sorte d’insociabilité ». « Je n’ai été qu’un solitaire n’ayant souci que la sociabilité. » Une carrière interrompue successivement par la guerre d’Algérie où il est appelé en 1961, puis par les événements de 1968 qu’il vit comme un tsunami « J’ai vu là une conspiration contre l’esprit ; plus rien n’a par la suite été pareil. » En effet, une nouvelle société apparaît dans laquelle il ne se retrouve plus.

 

Il quitte alors Paris pour Ciboure, où l’occasion lui est donnée de racheter l’ancien sémaphore de Socoa. C’est là dans ce refuge isolé qui surplombe la baie de Saint-Jean-de-Luz que Nicolas Grimaldi nourrit depuis son cheminement philosophique et écrit. Auteur d’une trentaine d’essais faisant volontiers appel à de nombreuses références philosophiques (des présocratiques aux existentialistes) et littéraires (Kafka, Baudelaire, Simenon, Proust, Tolstoï) le philosophe qui, dit-il, se sent « désaccordé de l’époque » n’en a pas fini de tenter de résoudre l’énigme de la vie.

 

 

 

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.