NOUVELLE DONNE À PARIS : DES GRANDS DOSSIERS CORSES ENLISÉS ?

Le séisme provoqué par Macron peut avoir des répliques dans l’île. La configuration parlementaire et gouvernementale risque de pénaliser, ou mettre définitivement sous l’éteignoir, des réalisations majeures en phase de concrétisation. Sans parler du processus d’autonomie qui a désormais la fragilité du cristal.

Par jean Poletti

Nul ne s’y trompe vraiment. La crise de régime affleure. Franche ou sournoise. Euphémismes ou formules abruptes se rejoignent pour prédire dans un proche avenir la fin du macronisme. Le roi est nu. Exagération? La politique nous a instruit que la certitude doit être bannie du vocabulaire. Et des stratèges élyséens à l’image d’Alexis Köhler de lorgner sur la stratégie de François Mitterrand. Sèchement battu aux législatives il avait nommé Jacques Chirac Premier ministre pour l’user et finalement le défaire à la présidentielle. Ultime scénario de l’actuel Président, qui veut tenter de peser sur sa succession en refusant de donner les clés à ce qu’il nomme les extrêmes? En marge des supputations que dicte la situation, il est des faits récents qui alimentent l’expectative. Ainsi, par exemple lors de son discours de politique générale Élisabeth Borne avait évoqué la problématique insulaire, ce qui avouons-le n’était pas commun en telle circonstance. Son successeur n’en avait d’ailleurs soufflé mot. Et l’éventuel prochain en fera-t-il de même? Mettra- t-il la question sous le tapis? Au-delà des résultats d’un scrutin, à nul autre pareil, émerge une nouvelle représentation électorale. Elle sonne le glas de pseudo-experts au bilan calamiteux.

COURAGE, FUYONS!

À cet égard, osons souligner l’attitude de Bruno Le Maire, Éric Dupond-Moretti et autres ministres qui rendirent les armes sans livrer la bataille. Contrairement à Gérald Darmanin, ils refusèrent d’entrer en lice dans une circonscription. Préférant distiller des jugements qui se perdaient dans l’oubli. Selon le mot du père des deux statuts de la Corse, ils sont comme ces capitaines qui préfèrent rester au port par crainte de tempête. Sans verser dans le jugement de valeur, ces Mozart de la finance laissent une dette abyssale, à telle enseigne que Bruxelles ouvre contre la France une enquête pour déficit excessif. Ces sachants autoproclamés suscitèrent un fort rejet aux Européennes, à maints égards un référendum invisible contre eux. Ce fut le signe patent d’un discours populaire voire populiste de cet Archipel français théorisé par Jérôme Fourquet. Ces habitants des périphéries se sentant délaissés. Ceux-là même dont un ancien ministre, adepte de clichés licencieux, dénigrait avec condescendance les qualifiant de gens qui fument des clopes et roulent au diesel. Ou telle autre affirmant sans rire que le remède à la hausse du prix des carburants était d’utiliser le vélo! Voilà qui renvoie à la reine Marie-Antoinette invitant ceux qui manquaient de pain de manger de la brioche. Ubu roi. D’erreurs en fautes. De volonté exacerbée de terrasser les clivages au profit d’un marais de l’Ancien Régime, sans réformes probantes, le pouvoir est arrivé aux limites du sempiternel «en même temps». Macron n’est pas seul responsable. À force de crier haro sur les partis, dans une résurgence du général Boulanger, ils reviennent en force dans leurs expressions radicales. Dessinant un échiquier où figurent une bonne place mélenchoniste et surtout le Rassemblement national affublé du transfuge d’Éric Ciotti, qui vendit Les Républicains pour sa survie de député. Et sans doute aussi afin de pouvoir lorgner sur la mairie de Nice.

LE CHU AMPUTÉ

Telle est la situation. Un maelström, aurait dit Prosper Alfonsi. Et nous revoilà plongés dans la sempiternelle question Corse. Chez nous des dossiers sont pendants. Certains étaient sur le point d’aboutir. D’autres en gestation. Survivront-ils ? Sans verser dans le pessimisme exagéré, l’interrogation est de mise. L’écarter équivaudrait à croire que l’île vit en autarcie, étrangère aux remous hexagonaux, surtout de cette amplitude. Dans ce droit fil, s’inscrit le projet du Centre hospitalier universitaire. Le député Paul-André Colombani avait fait voter à l’unanimité par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale l’acceptation de cette revendication. Nous étions le cinq juin. La voie était largement ouverte pour un épilogue positif au Palais Bourbon une semaine après. Mais dans l’intervalle tomba le couperet de la dissolution. Le parlementaire de Porto-Vecchio ne cachait pas son amertume. «À trois jours d’un succès tout s’écroule, il

faudra repartir à zéro. » Comment ? Dans le cadre d’une plausible future niche législative. Mais cela relève à tout moins de la supputation sans préjuger de l’accueil qui sera fait à cette implantation par la nouvelle configuration de l’hémicycle. En filigrane apparaît aussi le sort de l’hôpital de Falconaja qui croule sous les déficiences structurelles. Remplacement ? L’idée faisait son chemin, elle est au mieux en salle d’attente.

IMPASSE BUDGÉTAIRE

Dans les cartons figurait aussi la pérennisation du complément de quarante millions d’euros relative à la dotation de continuité territoriale. Gelée à hauteur de cent-quatre-vingt millions d’euros avec une rallonge factuelle l’an dernier, donc aléatoire, elle ne permet plus affirme l’exécutif territorial d’assurer un service public. Pis encore, maugrée Gilles Simeoni : « le risque est probant d’une impasse budgétaire insurmontable». L’éventualité qui aurait pu trouver une solution satisfaisante est sinon enterrée, en toute hypothèse renvoyée à une date ultérieure, que nul ne connaît. Et fait planer l’épée de Damoclès d’un refus. Pourtant le temps presse afin d’éviter que maritime et aérien n’entrent en zone de turbulences pouvant être fatales. Autre sujet, conséquence similaire, s’agissant de la prorogation de l’exonération des droits de succession. Au Sénat, voilà trois mois, Jean-Jacques Panunzi était parvenu à entraîner l’unanimité de ses collègues. Ce dispositif devait s’achever initialement en 2027, et les «Sages» avaient consenti de le repousser d’une décennie. Ce report défendu à l’Assemblée nationale par Laurent Marcangeli aurait dû logiquement être débattu et vraisemblablement validé le 20 juin. Il n’en sera rien. L’avenir est incertain dans cette affaire également. Elle impacte de nombreux habitants pour des raisons inutiles à expliciter tant elles sont connues.

LES MAISONS ATTENDRONT

« Sans cesse sur le métier, remettons notre ouvrage. » La maxime est connue. Recommencer ? Sans doute. Mais l’agenda échappe sans conteste aux bonnes volontés locales. En effet, le nouveau gouvernement sera nommé la veille des Jeux olympiques, période peu propice au labeur, nul n’en disconvient. À l’automne, les parlementaires se focaliseront sur les lois des finances et de la Sécurité sociale. Enserrés dans un tel calendrier, la ténacité et le cœur à l’ouvrage s’avèreront peu probants pour éviter au mieux que l’ordre du jour de cette sempiternelle prorogation soit différée d’un an ou plus. Sans parier, là encore, que les interlocuteurs soient dans des dispositions bienveillantes. Dans ce panel, qui englobe aussi d’autres sujets de

moindre envergure, le processus d’autonomie est inévitablement sur toutes les lèvres. En rappeler la genèse serait de la redite. Toutefois, Gilles Simeoni devait rencontrer Emmanuel Macron, mais les dramatiques évènements de Nouvelle-Calédonie rendirent caduque une telle entrevue. . Elle eut toutefois lieu ultérieurement. Pour autant, cela ne constitue pas le seul accroc. Le canevas général vola lui aussi en éclats, dynamité par la dissolution. Une surprise du chef qui prit tout le monde de court. À commencer par son camp qui ne fut pas mis dans la confidence.

PRIORITÉ CHANCELANTE

Résultat qui nous concerne directement, le cheminement prévu est obsolète. L’hôte de l’Élysée aurait en effet dû soumettre tout prochainement le projet au Conseil d’État, étape initiale d’un examen par les ministres, prolongé par une discussion au parlement. Il n’en sera rien. L’échéance prévue à l’automne devient, sans crainte d’erreur, à reléguer aux abonnés absents. S’habillera- t-elle plus tard des atours de priorité? Qui oserait le parier ? Cette éventuelle réforme au déroulement quelque peu chaotique, rejoint les lisières de l’inconnue. Elle ne fut pas le reflet d’une volonté politique, mais consécutive à l’annonce de Darmanin pour juguler la colère de la jeunesse au lendemain du guet-apens mortel contre Yvan Colonna. Née d’un dramatique accident de l’histoire, contrairement aux démarches de Defferre et Joxe, elle se retrouve par le fait du prince peu ou prou à la case départ. Sans savoir si elle ressuscitera ou rejoindra le terminus des sujets abandonnés. Mise en parenthèse également la proposition de loi transpartisane fixant les quotas de location touristique et l’abaissement de leur avantage fiscal. Elle faisait un large consensus chez les députés et sénateurs qui reconnaissaient l’impact dans l’île tout comme au Pays basque et dans le Finistère.

DIVINE SURPRISE

Lueur fugace. Les craintes concernant la nouvelle centrale du Ricanto furent levées in extremis. Sauvée par le gong. Celle du Vazzio à bout de souffle sera bien remplacée. La signature par Bercy spécifiant dimension et approvisionnent fut apposée quatre jours avant la date fatidique de la dissolution. Voilà qui indique en contrepoint que pour un dossier ratifié à la lisière des délais impartis, d’autres se trouveront bloqués au portillon du retour aux urnes. « Soyons réalistes, demandons l’impossible », clamaient les soixante- huitards. La sidération passée, gageons que nos représentants, libéraux ou nationalistes relèveront le défi. Avec cet allant qu’exige de solutionner les grands défis de notre île.

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