Aux sources du 7e art
L’esprit de l’exception culturelle française
Du grand divertissement au cinéma d’auteur, la production cinématographique française affiche l’une des meilleures dynamiques du monde, occupant régulièrement une place prépondérante dans la fréquentation nationale des salles. Des films à succès figurant au box-office des entrées, à ceux, plus confidentiels salués par les critiques, le savoir-faire français ne manque pas de régulièrement s’illustrer. Des productions riches et diversifiées qui pour la plupart voient le jour grâce à l’appui du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Directeur général de cette institution, Olivier Henrard se félicite de la vitalité de cette industrie, largement soutenue par la fameuse « exception culturelle française » qu’il a eu à cœur de défendre tout au long de sa carrière.
Par Karine casalta
C’est en effet un engagement indéfectible en faveur de la valorisation de la culture, qui distingue l’action d’Olivier Henrard. Issu d’une carrière prestigieuse dans la haute fonction publique, le directeur général du CNC a consacré la plus grande partie de sa vie professionnelle à promouvoir les richesses artistiques et intellectuelles de la France. Haut fonctionnaire et membre éminent du Conseil d’État, son parcours remarquable l’a conduit en effet à exercer des responsabilités importantes au sein de l’administration publique, à des postes stratégiques en lien étroit avec le domaine culturel.
Né à Bastia en 1966 où il passe l’ensemble de sa scolarité, il débute son parcours à la Direction des affaires culturelles de la Ville de Paris, après des études de droit et de sciences politiques à Aix-en-Provence. Il y œuvrera de 1994 à 1999 à des fonctions de conseiller avant que, reçu au concours de l’ENA d’où il sortira 2ede sa promotion, il choisit de s’orienter en 2003 vers le Conseil d’État. Il y restera 4 ans, avant de rejoindre en 2007 le cabinet de Christine Albanel, au ministère de la Culture et de la Communication en tant que conseiller juridique, où il pilotera notamment le projet de loi Hadopi, puis devient directeur adjoint du cabinet de Frédéric Mitterrand qui lui succède. Il partira par la suite, à l’Élysée en tant que conseiller pour la culture auprès de Nicolas Sarkozy. « C’est ainsi que de 2007 à 2012, j’ai quasiment toujours été en cabinet, et toujours sur des sujets culture. »
Après cette première partie de carrière dans le paysage institutionnel français, il quitte alors un temps le domaine de la culture pour celui de l’industrie télécom auprès du groupe Vivendi, en tant que secrétaire général de SFR, dont il pilotera la cession à Numéricâble.
La tâche achevée, il réintègre alors en 2015 le Conseil d’État, pour occuper la position de rapporteur public.
Promouvoir le cinéma français pour faire rayonner notre culture
Cependant, son attachement à la défense de la culture est toujours demeuré intact, et c’est avec enthousiasme qu’en 2019, à la demande de Frédérique Bredin, présidente du CNC à l’époque, il rejoint celle-ci pour occuper le poste de directeur général, et restera en place avec son successeur. C’est à ce poste qu’Olivier Henrard s’emploie depuis à faire rayonner notre culture.
Car par son action de soutien financier, de promotion de la création, de régulation et de préservation du patrimoine, le CNC joue un rôle essentiel dans la vitalité de notre industrie cinématographique et plus largement audiovisuelle. « Créé au départ pour aider le cinéma –et faire contrepoids à l’obligation d’ouverture du marché aux productions américaines en contrepartie d’une aide à la reconstruction – le CNC a depuis étendu son périmètre d’action à la production audiovisuelle, aux jeux vidéo, et aux fims d’animation. Sans oublier une aide aux grandes institutions partenaires du CNC que sont la cinémathèque française, des écoles de cinéma, dont la Fémis, et 160 festivals. » Directement placé sous l’autorité du ministère de la Culture, il intervient aussi dans le champ règlementaire.
Des attributions qui ont permis l’émergence de la fameuse « exception culturelle française » unique et enviée par beaucoup dans le paysage de l’industrie audiovisuelle internationale.
Combinant subventions, quotas et allégements fiscaux, le dispositif garantit une certaine diversité face aux grosses productions et contribue ainsi largement au dynamisme de l’industrie culturelle française, mettant en avant la diversité et la créativité de la production cinématographique française, tout en veillant à soutenir les jeunes talents. « L’écueil est d’éviter d’avoir un cinéma qui corresponde aux goûts du patron du CNC. C’est pourquoi le choix de soutenir les films est délégué à une soixantaine de commissions qui décident en collège d’une dizaine de personnes. »
Un modèle unique au monde
« Outre de manager les 500 personnes qui y travaillent, mon rôle est essentiellement de servir d’interface avec l’ensemble de l’appareil d’État, en premier lieu avec le cabinet du ministre de la Culture, le cabinet du Premier ministre, le ministère des Finances, et le parlement. Car nous préparons régulièrement des projets de textes et de décrets de lois en rapport avec le cinéma. » Une capacité à fédérer les différents acteurs du secteur qui a permis de renforcer les politiques de soutien à la création cinématographique, tout en adaptant les dispositifs aux évolutions technologiques et sociétales, comme l’arrivée des plateformes de streaming. « Plus qu’un risque, souligne-t-il, elles sont une opportunité, car la France a fait le choix de se doter d’un arsenal juridique qui lui permet d’imposer à des opérateurs économiques privés un certain nombre de contraintes au nom de l’intérêt général. » Convaincu de l’importance de cette spécificité culturelle, et de la portée du cinéma comme vecteur culturel et artistique, le directeur général du CNC se défend qu’elle soit menacée : « Jamais le CNC n’a consacré autant de moyens à la production audiovisuelle qu’actuellement : 750 millions d’euros dédiés à l’industrie cinématographique contre 500 il y a quinze ans, auxquels s’ajoutent 600 millions d’euros de crédits d’impôt, qui n’existaient pas il y a 10 ans. Sans compter les obligations d’investissement des diffuseurs qui n’ont jamais été aussi élevées, lesquels grâce à la règlementation que pilote le CNC, en plus des taxes payées pour financer les aides du CNC, ont l’obligation d’acheter un pourcentage de leur chiffre d’affaires en programmes français. Au total, nous atteignons 1,5 milliard d’euros. »
Entre art et industrie, une dynamique nationale inégalée
Et de balayer l’impact négatif des plateformes de streaming. « La France, dit-il, est le pays au monde où le cinéma a le mieux repris après la crise du Covid, on est revenu à peine en dessous de la fréquentation avant crise, 180 millions de billets vendus en 2023 contre près de 210 millions avant crise, un plateau jamais atteint depuis cinquante ans, qui permet de relativiser la substitution des écrans ! D’autant que les premiers à revenir en salles sont les jeunes, encore plus nombreux qu’avant. C’est la preuve qu’il y a peu de substitution d’unmarché à l’autre. Sans compter que ces plateformes représentent des commandes très importantes pour notre industrie !
Il faut aussi noter qu’on est le pays au monde où les films nationaux ont la part de marché la plus importante, on est le seul pays où nos propres films occupent 40% du marché ! – c’est 7% en Angleterre, et entre 10 et 20 % pour les Italiens, les Espagnols et les Allemands ! Non seulement notre marché a mieux rebondi en volume, mais sa répartition reste orientée en direction de nos films nationaux. Sans compter que d’un point de vue qualitatif, en 2023 sur les dix plus grands festivals de cinéma internationaux, sur la totalité des films sélectionnés, 25% sont français ! Et sur la décennie 2013-2023, sur la totalité des récompenses attribuées par les trois plus grands : la Palme d’or à Cannes, l’Ours d’or à Berlin, le Lion d’or à Venise, c’est là encore le cinéma français qui en totalise le plus grand nombre. Une domination inédite depuis les années 60. Donc ça marche ! »
Une dynamique cinématographique que le directeur du CNC, qui a ses racines familiales plantées entre le Cap et la Castagniccia, se réjouit d’observer aussi en Corse : « Globalement, à l’image du continent, la fréquentation en Corse se porte bien, l’île est bien couverte par le cinéma, même si en proportion il manque encore des cinémas classés art et d’essai, notamment en Haute-Corse. En tant que Bastiais, puisque je reviens très souvent pour retrouver ma famille, j’ai beaucoup souffert de la fermeture du cinéma Le Régent pendant de nombreuses années et je suis heureux qu’il ait réouvert ! Comme je suis heureux de saluer le travail formidable du Studio.
Et puis le cinéma insulaire c’est aussi tous les insulaires qui font du cinéma ! Il y en a beaucoup. Je pense notamment à Marie-Ange Luciani, Catherine Corsini, Gabriel Le Bomin, ou plus anciennement Pierre Salvadori, et d’autres encore… Et après tout c’est moi aussi ! Fait-il remarquer dans un sourire.
« On a une jolie convention entre le CNC et la Collectivité territoriale, qui nous permet de cofinancer un certain nombre d’actions en faveur de la production audiovisuelle, de la diffusion, de l’écriture de scénarios. On a une collaboration très fluide avec la CTC qui est très concernée par ces questions-là. » Des racines insulaires et un amour du cinéma qui rendent Olivier Henrard sans doute d’autant plus fier d’annoncer la contribution du CNC à la restauration d’un chef-d’œuvre sur la vie de l’Empereur : « Je suis fier d’annoncer que Le CNC, en partenariat avec la Cinémathèque française, a financé la restauration du Napoléon d’Abel Gance ! Avec la réécriture de la partition de la musique. Ce qui est époustouflant, c’est qu’Abel Gance est vraiment venu tourner en Corse en 1926 ! Il y a quasiment une heure de film tournée à Ajaccio ! La version restaurée du film sera présentée pour la première fois les 4 et 5 juillet prochains, avec les deux orchestres de Radio France. C’est un grand évènement de l’histoire du cinéma ! »
Ainsi attaché tout au long de sa carrière à protéger et à promouvoir le talent et la création artistique dans le domaine des industries culturelles, Olivier Henrard contribue aujourd’hui à faire rayonner le cinéma français à travers le monde. Acteur central dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques culturelles en France, il incarne sans conteste l’esprit de l’exception culturelle française.
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