PAUL NATALI : L’INFLUENT AU GRAND CŒUR
L’UNITÉ D’UN HOMME EST PARFOIS PÉTRIE D’ASPECTS DIFFÉRENTS. TEL ÉTAIT PAUL NATALI. AFFABLE DÉBONNAIRE ET DISCRET DANS LA VIE COURANTE, IL S’IMPOSA DANS LE MONDE DES TRAVAUX PUBLICS, CONJUGUA LES FONCTIONS ÉLECTIVES.
ET FIT BRILLER LE SPORTING AU FIRMAMENT
DU FOOTBALL EUROPÉEN.
Par Jean Poletti
On l’appelait affectueusement «Popaul» et il avait l’accolade et le tutoiement faciles. Certes, il avait l’image d’un brillant dirigeant d’entreprise. Bien sûr nul n’ignore ses succès électoraux depuis la mairie de Borgo jusqu’au Sénat, en passant par la Région, la présidence du Conseil général de Haute- Corse. Et celle de la Chambre de Commerce. À l’évidence, nul n’a oublié l’épopée bastiaise voilà quelque quarante ans. À la tête du club, il contribua à écrire une page de légende. Celle qui propulsa les «Lions de Furiani» jusqu’à la finale de la coupe d’Europe. Toutes ces facettes officielles sont connues et furent médiatiquement relatées au fil de sa vie. Certes il parvint à devenir incontournable, tant en politique que dans les sphères économiques, et à maints égards, footballistiques. Mais cette trajectoire n’occulta jamais son authentique modestie. Ni ses actions altruistes fréquemment passées sous silence. Ainsi, par exemple, il se rendit en son temps chez le ministre des Affaires sociales avec notamment Christian Torre, alors président de l’Association régionale de l’enfance inadaptée. Durant la longue entrevue, il plaida avec conviction et obtint une substantielle hausse étatique des subventions, en faveur de cette structure. Telle une autre fois, il mit tout en œuvre, et paya de sa poche, pour éviter qu’un insulaire de Paris ne soit pas expulsé de son logement alors qu’il devait plusieurs mois de loyer. Ces deux seules actions, puisées dans le rayon des souvenirs, démontrent s’il en était véritablement besoin que derrière le battant se dissimulait l’altruisme discret.
LE PACTE DE LA VICTOIRE
Un trait de caractère qu’il savait pourtant mettre sous l’éteignoir dans les âpres négociations politiques. Se définissant comme un libéral, il détrôna François Giacobbi de sa longue présidence du département de Haute-Corse. Un succès ne devant rien au hasard, mais qu’il obtint une réforme, qu’en son for intérieur, il ne lors d’une réunion secrète des conseillers de voulait pas. Les mauvaises langues affirment droite qui fut nommée le « Pacte de Castirla ». Paul Natali ayant vraisemblablement eu vent d’éventuelles élections ou velléités de transfuge, argua avec pugnacité que son camp étant majoritaire aucune voix ne devait logiquement lui manquer lors du crucial scrutin. Tous promirent solennellement main sur le cœur. Mais appliquant l’adage les paroles sont libres et l’écriture est serve, les dix-sept présents furent priés de parapher l’accord noir sur blanc. Il ne fera pas de second mandat. Dans un duel au parfum de revanche filiale, il mordra la poussière face à Paul Giacobbi. Battu d’une voix, celle d’un édile de son groupe qui vota pour l’adversaire! Cela fit d’intenses remous. Ce revers le marqua, sans qu’il ne laisse rien paraître. « Un traître c’est celui qui quitte son parti pour un autre. Et un converti celui qui quitte cet autre pour s’inscrire au vôtre.»Lorsqu’une connaissance lui rappela cette pensée de Clémenceau, il rétorqua laconique :«j’en ai vu d’autres». Effectivement, c’était le temps où le «Cortenais» et ministre du Budget, Michel Charasse, le poursuivit pour fraude fiscale. Dans cette même séquence, il brigua l’investiture de la liste des Territoriales, mais les instances nationales préférèrent adouber Jean Baggioni. Ayant un genou à terre, Paul Natali parvint à rebondir en se faisant élire au Palais du Luxembourg.
BÂTON DE MARÉCHAL
Désormais, il put adopter un train de sénateur, se désengageant progressivement de la politique locale. Sénateur? «C’est une sorte de bâton de maréchal, mais aussi l’annonce d’une retraite.», disait-il en forme de boutade. Pourtant il redescendit dans l’arène lors du fameux référendum Sarkozy. Contrairement à José Rossi et à d’autres «progressistes» de droite, disons en euphémisme qu’il traîna les pieds face à une réforme, qu’en son for intérieur, il ne voulait pas. Les mauvaises langues affirment qu’en sous-main, pour ne pas heurter « l’amis Nicolas », puissant ministre de l’intérieur, il répétait à l’envi que repousser le projet avait son entière préférence. D’ailleurs quand le «non» l’emporta, le moins que l’on puisse dire est qu’il ne fut nullement chagriné. Voilà campé à grands traits celui qui a rendu son dernier souffle dans sa quatre-vingt-sixième annMée, au terme d’une longue maladie. Incontestablement, il fait désormais partie de ces personnages qui ont écrit une page du grand livre insulaire, qui continue de s’enrichir au gré du temps qui s’écoule.
HUMILITÉ
Mais hors idée politique, qui alimente à l’envi partisans et adversaires, l’équité commande à dire que ceux qui le connurent ou le côtoyèrent dans un cadre professionnel décelaient aisément chez lui une humilité non feinte, un propos bannissant le jugement blessant ou clivant. Et cette absence d’orgueil ou de quant à soi, qui auraient pu devenir ses compagnons de route au regard de son parcours. Sans doute est-ce là ce qui distingue la véritable influence avec les bateleurs d’estrade, inlassablement en quête de reconnaissance surfaite. Il repose à jamais dans le cimetière de Borgo, commune chère à son cœur, qu’il administra longtemps et dont l’épouse, Anne-Marie, est maire depuis trente-sept ans.
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