Pierre-Olivier Milanini, Urbaniste dans l’âme

IL INVENTE UNE ARCHITECTURE CONTEMPORAINE CORSE
Par Karine Casalta

Allier une intégration harmonieuse du bâti à son environnement en s’inspirant de l’histoire de la construction et de l’architecture rurale traditionnelle, basée sur les savoir-faire et matériaux locaux, voilà les axes développés par Pierre-Olivier Milanini pour inventer une architecture contemporaine corse.

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Son parcours a pourtant débuté loin de l’île, entre Paris et New York où il a un temps exercé en immersion totale dans la modernité, sur le segment de « l’hospitality design », pour des projets visant à accueillir du public (on lui doit notamment, le terminal 1 de l’aéroport JFK). Devenu architecte presque par hasard, pour s’orienter vers une formation qui lui offrait la possibilité de partir, il découvre un art en adéquation avec sa personnalité. Entre imagination et réalisation, rêve et réalité, l’architecture, en conciliant en quelque sorte l’inconciliable, collait parfaitement à une tournure d’esprit, une conception des choses façonnée dans l’enfance, entre une mère, férue de décoration, médecin à Nice et un père entrepreneur en Corse. Après une première partie d’une carrière développée à l’international, l’activité de son agence, installée à Porto- Vecchio, se concentre aujourd’hui sur des réalisations locales. L’architecte de talent, par ailleurs président du conseil régional de l’ordre, se qualifie lui-même de «régionaliste».

Le régionalisme au cœur du sujet
Au travers de projets éclectiques, jouant sur différents styles, il explore dans son travail une façon moderne de s’inscrire dans la continuité. Il lui importe en effet de réaliser des bâtiments qui s’insèrent bien, tant au plan du paysage architectural que sociétal, s’inspirant pour cela des modes de vie traditionnels. Car l’architecture a pour lui un rôle important à jouer en tant que vecteur de lien social. « Après des années un peu tape à l’œil où l’esthétique et le design étaient prioritairement mis en avant, l’architecture reprend aujourd’hui un rôle social, avec des thèmes comme l’habitat participatif, des projets portés sur l’aménagement du territoire, ou encore la lutte contre la désertification rurale… » Il s’agit de penser «le vivre ensemble» et la capacité de réactiver le tissu économique d’un territoire. C’est pourquoi selon lui, le propos architectural est indissociable de la question de l’urbanisme. Il cite volontiers Jean-Marie Seité, maire de Galéria: «En Corse, on a un problème d’urbanisme, pas d’architecture.» «Il y a un paradigme à changer sur la manière dont se construit notre territoire, une vision de son aménagement. Nous devons faire preuve d’intelligence collective et joindre nos énergies pour créer une conception positive du territoire. Et sortir d’une polarisation sur ce sujet, focalisé entre aspect spéculatif et financier et le conservatisme exacerbé de ceux pour qui rien ne doit changer. L’architecture est moins importante que le contexte dans lequel elle s’intègre. »

L’importance de la transmission
D’où l’importance aussi d’avoir une bonne connaissance des cultures et des traditions architecturales locales. Pierre-Olivier Milanini aimerait ainsi aujourd’hui être à l’articulation d’un projet commun, collaborer par exemple avec une commune ou les pouvoirs publics sur un projet d’urbanisme. «Je rêverais d’être l’outil d’une intelligence collective. »
Il met aussi l’accent sur l’importance de la formation: «Il faudrait monter une école d’architecture en Corse ! » pour donner la possibilité aux étudiants de faire leurs classes sur place, et acquérir une vraie expertise du territoire.
C’est un peu pour accompagner cette jeune génération qu’il porte d’ailleurs actuellement avec beaucoup d’enthousiasme un projet de coworking initié avec le Conseil régional de l’ordre. L’organisation ayant eu l’opportunité d’acquérir des locaux, l’idée a germé de mettre à disposition des acteurs du secteur, un espace d’accueil et de travail collectif, et favoriser ainsi les rencontres et les échanges au sein d’une profession assez individualiste par nature. Une sorte de « vitrine de l’architecture corse », visant aussi à la valorisation du travail de l’architecte. Clin d’œil à la jeune génération, ce sont d’ailleurs deux jeunes professionnelles, Laure Celeri et Lena Pantalacci qui ont été retenues pour mener à bien ce projet qui devrait voir le jour d’ici le début de l’année prochaine. «Nous avons tous à gagner à partager » une conviction somme toute évidente pour ce militant de la transmission.

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