Pivana, pirula, cialamella – La musique c’est du vent !

SI TRATTA D’UNA PASSIONE, D’UN ARTE, D’UN STINTU DI CREAZIONE, SENZA CONFINE… À 35 ANNI, ROMAIN RANCUREL-GIANNONI ARRECA, OGNI GHJORNU, UN SOFFIU NOVU À A TRADIZIONE DI I FLAUTI DI CORSICA È D’ALTRÒ. STALLATU IN OLETTA, VICINU À U LAVU DI PADULA, CI APRE GRANDE E PORTE DI U SO ATTELLU È D’UN UNIVERSU CULURITU DI TANTI BELLI SCONTRI È VIAGHJI…

Par Petru Altiani

C’est en voyageant que Romain Rancurel-Giannoni a rencontré sa passion. Les premiers jalons de son parcours de talentueux facteur d’instruments à vent ont été posés à la suite d’une découverte, celle du didgeridoo, à l’origine, joué par les Aborigènes du Nord de l’Australie. L’usage de ce dernier pourrait remonter à l’âge de la pierre, ce qui en ferait l’un des plus anciens instruments de musique au monde.

Pas encore le cap de la vingtaine franchi, Romain se plonge dans cette histoire prégnante. Il étudie les spécificités de fabrication du didgeridoo dont le ronronnement si particulier et le rythme hypnotisant sont produits par un souffle circulaire dans le bec d’un long tube de bois. 

Conçu en eucalyptus dans les territoires du Nord de l’Australie, et en d’autres matières telles que le palmier, le teck ou le bambou, selon les pays, l’instrument suscite chez lui un véritable déclic.

Le jeune homme décide de se former au sein de l’Institut technologique européen des métiers de la musique (ITEMM) au Mans. « J’ai pu effectuer mon cursus universitaire en contrat d’alternance chez Ugo Casalonga, artisan luthier emblématique de l’île, spécialiste de la cetera et des instruments de musiques anciennes », explique-t-il.

Artistes séduits 

Romain fait alors ses armes entre Pigna et Oletta, village dont il est originaire et qui lui est si cher. Il consacre son apprentissage et ses travaux à la fabrication des flûtes traditionnelles « nustrale ». 

Pivana, pirula, cialamella… « Trois instruments profondément enracinés à la culture musicale et agropastorale de la Corse qui m’ont aussi beaucoup inspiré. »

En parallèle de sa formation, il aménage la cave de la maison familiale pour y créer son premier atelier, avec de belles satisfactions à la clé, déjà sollicité par plusieurs groupes et artistes du territoire du Nebbiu comme du Grand Bastia, à l’image des Macchjaghjoli. 

« La plus belle des reconnaissances c’est d’entendre jouer ces instruments entre les mains de musiciens », glisse Romain Rancurel-Giannoni dans un large sourire.

Après une quinzaine d’années d’activité, enrichies de rencontres et escapades aux quatre coins du globe, le dynamique artisan a récemment construit un nouvel atelier, toujours à Oletta, à proximité du Lac de Padula.

À 35 ans, il a su élargir son champ d’action et est en mesure aujourd’hui de donner corps à plus d’une dizaine d’instruments à vent, avec un approvisionnement en matières premières qui se fait en local.

En corne roseau ou bambou

« Je travaille différents types de matériaux d’ici, des matériaux à perce naturelle tels que le roseau, le bambou, la corne ou bien l’os ainsi que plusieurs essences de bois de la région. Je récolte moi-même chaque matériau. Le roseau et le bambou sont coupés à la lune de janvier puis séchés en abri aéré avant d’être ensoleillés tout l’été. »

Parmi les flûtes les plus prisées dans son atelier figure la « pivana », flûte en corne de chèvre.

« Du fait que ce soit un instrument assez unique, les groupes locaux cherchent à réintégrer ces sonorités traditionnelles et plusieurs musiciens à l’étranger s’y intéressent également, avec une vocation artistique ou en tant que collectionneurs », poursuit le facteur d’instruments à vent olettais.

« Pour chaque flûte, la tonalité et la précision de l’accordage sont essentielles », souligne-t-il. La fondamentale est accordée en fonction de la longueur et du diamètre de l’instrument. L’emplacement des trous est ensuite calculé avec le premier que l’on agrandira pour monter la note, puis le deuxième et ainsi de suite. Il y a aussi le réglage du son, de la pression d’air… »

Et d’ajouter : « Le temps de fabrication d’une “pivana” classique me prend en général une dizaine d’heures. »

« Taille de la fenêtre, du biseau, mise en forme du bloc, travail du canal et réglage du son, accordage, calcul des trous, taille des touches, accordage, réglage, accordage… Le prix d’une “pivana” classique peut varier de 200 à 250 euros. »

Des idées plein la tête

« Je fabrique aussi des flûtes de style nord-amérindien, à l’instar des flûtes Sioux, qui sont des flûtes très douces au son typique, des instruments très intuitifs qui conviennent à bon nombre d’artistes. De plus, c’est un genre de flûtes qui me pousse tout particulièrement à la création et à l’inspiration. »

Romain Rancurel-Giannoni planche actuellement sur des « bansuri », flûtes traversières en bambou originaires d’Inde.

Celui qui est également un musicien aguerri ne se repose pas sur ses lauriers. Au contraire, il aime sans cesse aller de l’avant et se renouveler. 

« Beaucoup de projets sont à venir, notamment la création d’instruments divers à base de coloquinte ; aussi connue sous le nom de “cougourdon” et qui n’est autre qu’une courge non comestible qui a toutes sortes d’usages dont celui d’avoir constitué les premières caisses de résonance des instruments à cordes… »

Des idées plein la tête, Romain Rancurel-Giannoni a d’ailleurs conçu, à partir de ces légumes qu’il cultive dans son jardin, une série d’ocarina, instrument à vent ovoïde, ressemblant à une tête d’oie ; d’où son nom : en italien, ocarina signifie « petite oie ». Romain s’est, lui, plu à la baptiser « zuccarina ». 

Ventu in puppa 

Il est, d’autre part, en phase d’élaboration d’un concept de « courgenemuse » avec une coloquinte en lieu et place de la vessie ou de la peau de mouton ou de chèvre entière, généralement utilisée pour la cornemuse.

Le chef d’entreprise qu’il est, vient tout juste d’investir dans de nouvelles machines qui lui permettront de produire prochainement des flûtes en bois tourné, plus modernes, de type clarinette ; une première dans l’île.

De futures créations qui seront sans nul doute appelées, comme les précédentes, à avoir le vent en poupe…

Contact. Romain Rancurel-Giannoni :

06 71 62 49 86 / romainflute@gmail.com