Basé à la Caserne de Corte, le groupe montagne des sapeurs pompiers de Haute-Corse (GMSP2B) intervient dès qu’un accident survient dans les massifs montagneux ou que les victimes sont difficiles d’accès. Rivières, canyons, cimes enneigées, ravins : les interventions sont diverses et souvent risquées. Ces sauveteurs spécialisés assurent les gardes les semaines impaires, en alternance avec le peloton de gendarmerie de Haute Montagne (PGHM). Au nombre de seize pour le département de la Haute-Corse, les montagnards assurent des gardes constituées de deux sauveteurs l’hiver et de trois pour la haute saison. Par voie terrestre ou aérienne, ils viennent au secours des randonneurs notamment sur le sentier du GR20. Immersion au fil des gardes avec ce groupement de passionnés qui a la montagne chevillée au corps et le sauvetage au cœur.
Par Diana Saliceti
Ghjornu 1 : R.A.S.
Grand soleil sur Corte. A la caserne, la garde du jour commence à 8h, on échange autour d’un café. On parle des entraînements, des enfants, des dernières interventions, du programme du jour, hormis, bien sûr, des secours à venir qui vont tomber au fil des heures. Deux couleurs de tenues se côtoient ici, bleu pour les pompiers, rouge pour les montagnards. Tout le monde collabore et cohabite dans la bonne humeur au sein de ce bâtiment gris situé sur la route d’Aleria. De surcroît, l’ensemble des montagnards prend également des gardes dites « en bleu », c’est-à-dire en tant que pompier professionnel ou volontaire. Chef d’unité du groupe de secours en montagne originaire du Niolu, Laurent Acquaviva, 40 ans, explique aux néophytes du secours montagne que nous sommes, le déroulement des opérations en cas d’alerte : « La personne qui appelle le 112 tombe sur le centre opérationnel départemental d’incendie et de secours (CODIS) qui est situé à Furiani. Si l’intervention concerne notre groupement nous faisons une conférence à trois, la victime, le CODIS et nous. » Cette concertation par téléphone est déterminante pour le bon déroulement de l’intervention et notamment pour la localisation de la victime ou encore, la décision de transporter éventuellement sur place un médecin du SAMU. « 80% de nos interventions se font en hélicoptère, nous collaborons donc quotidiennement avec les bases de la Sécurité civile et de la Section aérienne de la gendarmerie », relate Laurent, mais nous avons également deux véhicules 4X4 car parfois les conditions météorologiques ne permettent pas de voler ou tout simplement si la victime est facile d’accès par voie terrestre. » Trois hélicoptères EC145 ( BK117C2 pour les puristes) de la Sécurité civile sont basés sur l’île dont les célèbre Dragon 2B et Dragon20 ainsi que le Choucas bleu de la gendarmerie. « Il faut 17 minutes à l’hélicoptère pour venir à Corte depuis Poretta », précise le montagnard niulincu. « Un sauvetage au lac de Melu, dans le haut de la vallée de la Restonica, nécessite environ une demi-heure pour arriver sur les lieux, le temps que l’hélico passe nous récupérer. » Juste au-dessus de ce lac très fréquenté se trouve le Capitellu et encore une grosse marche de dÈnivelÈ au-dessus : la Bocca alle Porte (2 250 m d’altitude), passage crucial du GR20. « Cet endroit est un des deux points noirs du GR avec le secteur qui fait la jonction entre la pointe des éboulis (2 607m) et Bocca Crucetta. » Après réflexion, Laurent désigne une autre zone assez accidentogène : la face nord du Monte Cintu. « Un massif compliqué car en début de saison, il reste beaucoup de neige et il faut être>> équipé. » Le 14 avril dernier, emporté par une avalanche en face sud du Cintu, un randonneur italien a fait une chute de 400 mètres, dont il est sorti miraculeusement indemne. Ses douze compagnons, pris au piège par le mauvais temps, ont été également secourus par les montagnards et hélitreuillée par le Dragon 2B. « Dans ce métier, il n’y a pas de train-train », explique Laurent. Je suis un passionné de montagne et le secours à la personne dans ce milieu qui peut parfois être hostile me plaît. »
80% des sauvetages réalisés en été
En cette journée de garde, aucune alerte ne se déclenche ce qui donne le temps d’en savoir davantage sur le fonctionnement de cette escadre des cimes. ¿ la haute saison, chaque garde se compose d’un chef d’unité et de deux équipiers. Au sein des montagnards 2B, au nombre de seize, il y a autant de volontaires que de professionnels. Si leur statut et la fréquence des gardes ne sont pas identiques, ils ont pour obligation de valider les mêmes niveaux afin de se spécialiser. « Il y a d’abord un stage de sensibilisation, explique Laurent Acquaviva qui est montagnard depuis 20 ans. Puis, nous passons le SMO2 et le SMO3 qui sont des sessions de formation et d’examen de cinq à six semaines chacune se déroulant sur Chamonix. » L’aspirant montagnard doit alors apprendre à évoluer et secourir en montagne quelle que soit la saison, dans les canyons aux parois rocheuses en passant par la glace et le ski de randonnée. Le SM03 permet notamment de devenir chef d’unité. « Nos sauveteurs ont beaucoup de ressources professionnelles, ils sont souvent accompagnateurs de montagne, diplômés de Canyon, prÈcise Laurent Acquaviva ª qui est Ègalement un des dix guides de haute-montagne que compte la Corse. 80% de líactivitÈ de ces sauveteurs se dÈroule pendant les quatre mois de la haute saison. « On réalise environ 90 interventions pendant l’été et une trentaine dans toute la saison hivernale où nous secourons quelques randonneurs mais aussi des chasseurs ou des cueilleurs de champignons », poursuit le chef d’unité qui procède à un contrôle des équipements en cette matinée très calme, dans une salle où les casiers de chaque sauveteur cohabitent avec des skis, des cordages et autres matériels techniques. De nombreux entraînements aux différentes manoeuvres sont organisés tout au long de l’année pour un volume horaire de 180 heures par an pour les chefs d’unité et d’une centaine d’heures pour les équipiers. Des stages sont notamment suivis en Italie ou dans différents secteurs de l’île comme la Paglia Orba ou encore Bavella. Aucune intervention ne venant déclencher les montagnards en ce matin de juin, Laurent Acquaviva et Jean-Christophe Paoli partent dans la Restonica s’entraîner sur un mur d’escalade après avoir assisté à une réunion en préfecture au sujet de la sécurisation du Restonica Trail. Ils grimpent alors avec une facilité déconcertante deux voies de 25 mètres avant de rentrer ‡ la caserne, toujours avec un oeil attentif sur le téléphone qui les relie ‡ la base et au CODIS. « J’ai choisi d’être montagnard tout simplement pour faire de ma passion un métier », résume Jean-Christophe, au volant du pick-up rouge. 18h, le CODIS est appelé pour une cheville abîmée dans le secteur de Bonifatu. Une piste carrossable mène à la victime, un VSAB est dépêché sur place, l’alerte ne nécessite donc pas l’intervention des montagnards. Alors que la garde s’achève à 20h, le trio du jour reste d’astreinte toute la nuit.
Ghjornu 2 : Le GR20 et ses pièges alerte est déclenchée à 10h25 depuis la vallée du Manganellu, sous le refuge GR20 de l’Onda. Un randonneur a composé le 112, sa compagne ne peut plus marcher en raison de très fortes douleurs aux pieds. Les hélicoptères étant tous occupés, il faut partir avec le véhicule numéro 1, un pick-up spécialement équipé pour le secours montagne avec le truck rempli de matériel. Cyril Baldovini et Ange-François Paccioni quittent la caserne ‡ toute vitesse. La circulation déjà dense en cette saison nécessite quelques coups de sirène pour aller au plus vite sur les lieux. Une fois le village de Canaglia dÈpassé, vers 11h30, une réelle chasse au blessé commence. Une entreprise complexe. Le téléphone ne passant que très peu dans cette vallée, il est impossible de géolocaliser l’appel de détresse comme peut le faire normalement le CODIS en envoyant un texto ‡ la victime.
Le binÙme de montagnards effectue alors un ratissage de plus díune heure du sentier du Mare ‡ Mare Nord qui longe la rivière du Manganellu. Le compagnon de la victime níest plus joignable. « Il nous parlait d’un balisage orange et d’une cascade… Or, nous avons fait tout le sentier autour de la cascade du Meli et ils ne sont pas sur ce tronçon. Ils doivent être plus haut sur le GR20 qui est lui balisé en rouge et blanc », relate Ange-François Paccioni qui entreprend de prendre la direction de l’Onda. Bonne intuition puisque le groupe de personnes en difficulté se trouve bien sur le sentier de grande randonnée. Voici deux couples lillois de 25 ans partis de Calenzana et dont une des deux femmes ne peut plus marcher sans souffrir terriblement à cause de gonflements. Les montagnards vont la porter sur leur dos à tour de rôle, et ce pendant une demi-heure, afin de rejoindre le véhicule de secours. « Sur les réseaux sociaux, ça n’a pas l’air aussi dur que ça ne l’est vraiment », commente un jeune du groupe. Alors que parfois, c’est limite de l’escalade. »
« On a voulu tester la montagne corse, c’est elle qui nous a testés »
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