RADIOSCOPIE DES MEUBLÉS DE TOURISME 

Aujourdhui, 20% des nuitées saisonnières en France sont dans un meublé de tourisme en raison de la présence des plateformes de location, devenues des acteurs majeurs de la location saisonnière. Près de la moitié des nuitées se trouvent sur le littoral, dont la Méditerranée : Cannes, Marseille, Nice, Saint-Tropez, Corse. Dans l’île, la plupart des annonces sont à Ajaccio, Bastia, Bonifacio, Calvi, l’Île-Rousse, Propriano, Porticcio et Porto-Vecchio.

Par Emmanuelle de Gentili

La comparaison avec Paris, ses 55 000 meublés et son CA de 585 M€, est significative. La Corse et ses 31 000 meublés et son CA de 318 M€ représente 55% des valeurs de la capitale. Les propriétaires y trouvent un gain annuel médian de 2 900€ net/an soit près de 10% du revenu disponible moyen (Source Insee), médian signifie que la moitié des gains sont sous cette valeur et l’autre moitié au-dessus, traduisant une forte disparité. D’autant que des conciergeries, des SCI et des gestionnaires de patrimoine sont là. 

Les collectivités locales perçoivent la taxe de séjour, entre 1% et 5% du coût par nuitée et par personne les plateformes une commission de 5 à 20% du prix de nuitée. C’est dire le déséquilibre. 

Cette expansion des meublés a des effets négatifs : l’augmentation du montant des loyers et la baisse des logements à l’achat. De plus, l’intensification des locations de courte durée, aux dépens des locations résidentielles accroît l’embourgeoisement de certains quartiers, aux dépens des populations résidentielles aux revenus plus faibles. 

Effets pervers 

En effet, une grande partie des meublés mis à la location sont des logements pour le marché résidentiel de type T1, T2 ou T3, constituant la 1re étape du parcours des primo-accédants.

Ces difficultés d’accès sont amplifiées par la faible disponibilité du foncier dans les zones en tension, la législation (loi Littoral et/ou Montagne) ou l’objectif zéro artificialisation nette pour 2050, limitant la construction de nouveaux logements.

Les hôtels (12 000 lits) sont également impactés. La pression sur les prix est forte et seuls ceux qui appartiennent à des enseignes ou dans le haut de gamme y réchappent. 

Des dispositions pour réguler ce marché ont été prises :

1- Si le meublé touristique est loué dans le logement qui est la résidence principale du loueur, le propriétaire n’a pas d’obligation de déclaration et pas de démarche à accomplir ni aucune obligation sauf celle qui s’applique à toutes les locations de ce type : la limite de 120 jours/an de location ;

2- Si le meublé de tourisme constitue la résidence secondaire du loueur, ce dernier a l’obligation de déclarer à la mairie du lieu où se situe ce meublé de tourisme, peu importe le nombre de jours loués dans l’année ;

3- Des dispositions spécifiques concernent les villes de plus de 200 000 habitants, ainsi que les communes des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de Paris, Bordeaux et Nice, même si cela concerne sa résidence principale et même si la location est inférieure à 120 jours/an.

Mesures restrictives 

L’action publique et politique n’a pas disparu pour autant, car dans les villes qui l’ont décidé, toutes les locations touristiques, résidences principale ou secondaire, doivent disposer d’un numéro d’enregistrement publié dans chaque annonce et les plateformes ont l’obligation de déconnecter celles qui n’ayant pas ce numéro. 

C’est ce qui a été fait dans le Cap Corse. La location des meublés de tourisme est soumise à deux contraintes : l’obtention d’une autorisation de changement d’usage pour transformer son bien en location saisonnière puis l’enregistrement à la mairie. Un arrêté du préfet acte le dispositif. Les communes y trouvent un complément de recettes (taxe de séjour) et connaissent les logements disponibles pour la location ou l’achat par leurs administrés. 

Bastia s’est également engagé dans ce dispositif, avec les déclarations de changement d’usage et des dispositions renforcées dans le centre ancien prévoyant une 2e mesure : la compensation en locaux équivalents. Ajaccio a voté l’encadrement des meublés de tourisme, sans en préciser le contenu, ce qui rend sa décision inopérante. Porto-Vecchio et ses 60% de résidences secondaires mettra en place en 2024 une surtaxe des résidences secondaires, mais n’a pas encore pris de telles dispositions.

Point positif

L’action publique peut donc avoir une action sur ce secteur nuisant à la population locale n’arrivant plus à se loger et aux professionnels du secteur.

Point positif : les zones peu touristiques ne connaissent pas d’augmentation des loyers. Elles bénéficient même de l’intensification de l’activité touristique via une revitalisation de l’espace local, une rénovation du bâti et des recettes de la taxe de séjour. 

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