Au plus près des étoiles
Au lendemain du 50e anniversaire des premiers pas de l’homme sur la lune, l’exploration spatiale fait rêver plus que jamais. Entre tourisme spatial et enjeux stratégiques, c’est grâce à des passionnés comme Roger Solari que cette aventure a pu un jour s’envisager. L’ancien directeur d’Arianespace fait en effet partie de ces hommes de l’ombre sans qui rien ne saurait être possible.
Par Karine Casalta
Expert reconnu dans les domaines spatial et aéronautique, Roger Solari a depuis aussi loin qu’il s’en souvient été passionné par ce domaine. Né en 1940 à Marseille, dans une famille d’une diaspora corse ancienne établie sur le continent au début du xixe siècle, il passe son enfance sur les bases militaires où son père, pilote dans l’Armée de l’air est en poste. Marrakech, Bamako, Tunis, la famille déménage au gré de ses missions, jusqu’en 1953 où affectée en Indochine elle ne peut le suivre. Il s’installe alors avec sa mère en Provence, à Carro près de Martigues, où son grand-père avait fait construire sa maison. C’est là dans les collines qu’avec un copain, il tente déjà de faire voler les premières fusées à propulsion qu’ils aiment à fabriquer. Le début d’une passion qui le conduira jusqu’à l’espace.
Horizons militaires
Issu d’une famille de militaire, c’est tout naturellement qu’après le lycée, il s’oriente vers une carrière sous l’uniforme, souhaitant devenir officier de marine. Mais recalé au concours l’École navale, il passe néanmoins avec succèscelui de l’École de l’air. Il intègre ainsi en 1959, la base de Salon-de-Provence avant de rejoindre deux ans plus tard le centre de formation des commandos parachutistes à Réghaïa, en Algérie. Rapatrié en France après le putsch avorté des généraux en 1961 et la dissolution des commandos, il est bientôt réaffecté au cœur de la guerre sur la base d’Alger-Maison-Blanche. À la signature de l’indépendance, il quitte l’Algérie et s’envole pour les États-Unis, pour un stage de défense aérienne à partir de fusées lourdes mises en œuvre par l’Otan. Mais là encore, en pleine guerre froide cristallisée sur l’affaire des missiles de Cuba, il se retrouve sur une base aérienne au cœur de la crise, voyant avec effroi les USA se préparer à une guerre nucléaire. « Heureusement là tout cela s’est bien terminé. La force de dissuasion a joué son rôle et chacun a remballé ses missiles ! » Affecté par la suite en Allemagne, il y restera jusqu’au retrait de la France du commandement intégré de l’Otan en 1966, regagnant alors la base aérienne de Mont-de-Marsan pour devenir contrôleur des opérations aériennes. Fortement désireux de retrouver l’univers des fusées, il rejoint très vite l’équipe de marque des futurs missiles balistiques stratégiques au centre d’essais de Biscarosse, où il travaille en liaison directe avec les ingénieurs de la délégation générale à l’armement et les équipes industrielles en charge du développement du secteur de l’aérospatial. Clin d’œil du destin, dans les installations voisines était alors assemblé le premier lanceur de satellites, la fusée Diamant qui lança le premier satellite français Astérix en 1965.
Retour aux sources
Promu successivement commandant, puis lieutenant-colonel, il consacrera plusieurs années aux tirs de missiles, avant de prendre en 1978, la direction de la division nucléaire à l’état-major de l’Armée de l’air, puis de rejoindre le commandement des commandos parachutistes de l’Armée de l’air à Nîmes. Durant ces années, il renoue aussi avec ses racines corses, grâce à un ami Jean Tramoni, rencontré chez les commandos parachutistes en Algérie. « Connaissant mes racines corses, il m’a emmené à Sartène, où j’ai retrouvé un cousin Jacques Bartoli, dont la maman née Solari est la descendante d’un frère de mon arrière-grand-père. » Il y scellera alors de belles amitiés, et reviendra par la suite très régulièrement y séjourner en famille. Désireux d’œuvrer au développement économique de l’île, il rejoindra aussi par la suite l’association Corsica Diaspora, présidée par Edmond Simeoni, heureux d’y apporter sa contribution. Il poursuit en parallèle une brillante carrière. Admis à l’École supérieure de guerre aérienne qu’il intègre en 1981, il est à sa sortie de nouveau affecté à Paris à l’état-major de l’Armée de l’air, en charge de la division nucléaire du bureau des programmes, où dit-il « je retrouvais mes chères fusées » et sera promu colonel en 1985 et nommé officier en second de ce même bureau.
À la conquête de l’espace
C’est alors qu’en 1987, après 26 années intenses passées sous l’uniforme, il décide de rejoindre, en tant que chef de mission de lancement, l’entreprise Arianespace qui met en œuvre le lanceur spatial européen. Il y conduira ainsi plusieurs campagnes de lancement avant de devenir responsable de l’équipe d’évaluation technique et opérationnelle, puis d’en être nommé le directeur et tout à la fois directeur des opérations délégué à Kourou en Guyane française en 1992. « C’est la période la plus exaltante de ma vie professionnelle. J’ai vécu les lancements d’Ariane 2, 3 et 4 et les premiers vols d’Ariane 5. » Il en repartira néanmoins en 1999 pour rejoindre le monde de l’industrie, recruté en tant que directeur général adjoint de la société de construction aéronautique Hurel Dubois. Nommé PDG de la filiale Hurel-Hispano Meudon, créée après le rachat de la société par le groupe Snecma, il y restera jusqu’à son départ à la retraite. Établi par la suite en tant qu’ingénieur consultant pour l’espace et l’aéronautique, c’est fort de son expertise qu’il prête encore aujourd’hui son concours à la société Explorer Solutions œuvrant à différents projets dans le domaine aérospatial. Toujours aussi passionné par cet univers, Roger Solari suit bien sûr avec grand intérêt la reprise d’une « exploration spatiale » devenue un enjeu majeur pour les États. Champ de confrontation entre puissances, tant sur le plan militaire que sur celui du développement économique, il va sans dire souligne-t-il que nous ne sommes qu’au début de l’aventure. Une aventure qui mènera peut-être un jour les hommes sur Mars…
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