Edito
Par Jean Poletti
lle court, elle court de villes en villages, du bord de mer à l’intérieur. Sans répit. Transformant souvent un mensonge en vérité. Comme le disait fort justement Nicolas Alfonsi « Nous sommes des Méditerranéens avec cette furieuse envie de colporter des propos sans se soucier de leur exactitude.» Séparer le bon grain de l’ivraie devient considération subalterne et accessoire chez les abonnés aux fausses nouvelles. Souvent ces assertions ne prêtent nullement à conséquence et s’éteignent comme un feu de brindilles. Il arrive cependant que ces rumeurs creusent un sillon préjudiciable pour ceux qui en sont d’innocentes victimes. Les exemples abondent clouant parfois au pilori de l’opinion des personnes frappées par cette parole infondée. Ici, intention de nuire. Là, simple besoin de relayer une confidence. Parfois envie de passer pour quelqu’un qui est dans le secret. Inévitablement, le vrai s’étiole fréquemment devant ces vagues du faux sans cesse recommencées. Plus grave est le fait de solliciter des médias continentaux afin d’annoncer des élucubrations dévolues à noircir, déstabiliser, ou pourfendre un adversaire. «Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose», affirmait Francis Bacon. Que n’avait-il raison! Sans verser dans la litanie des exemples, citons l’épilogue dramatique à Ajaccio d’un fonctionnaire du secteur
agricole. Accusé à tort par un ancien préfet de sinistre mémoire, lui qui avait eu une carrière exemplaire ne supporta pas cette indignité fallacieuse. Il se donna la mort. Plus récemment dans le cadre d’une stratégie politique, Gilles Simeoni préempta un site de Cavallo, un hebdomadaire titra qu’il s’asseyait à la table des voyous. Pourtant, l’Assemblée de Corse avait dûment approuvé cette acquisition au demeurant ployant sous le symbolisme. Mais voilà, la Chambre régionale de comptes reprocha à l’incarnation de la collectivité territoriale de ne pas percevoir les loyers d’une société commerciale implantée sur ce site. Concussion, clame la justice. Juridisme exacerbé, rétorque le président du conseil exécutif qui établit une claire césure entre une démarche purement politique et le canevas du droit. Et celui qui est par ailleurs avocat, de plaider légitimement que si la collectivité percevait ces subsides et les incluait dans ses budgets, elle foulerait aux pieds la doctrine du refus d’acquiescer. Elle se rendrait in fine moralement complice de pratiques qui depuis des décennies prévalent sur ce havre squatté par les fortunés. Là où les préceptes élémentaires de l’État de droit jouent l’Arlésienne. Anecdote significative, s’il en est, quotidiennement les gendarmes apposent le panneau République française, qu’ils enlèvent le soir, pour éviter qu’il soit détruit. Hiatus récurrent ? Qui en doute. Faut-il se remémorer que voilà quarante-cinq ans le Parti communiste avait badigeonné de nombreux murs du slogan «Cavallo à la Corse ». Doit-on rappeler les constructions sans permis dans un silence assourdissant de ceux qui avaient en charge la règlementation. Faut-il rafraîchir la mémoire collective concernant les initiatives illicites d’un certain Setton, qui avait même dynamité le rivage pour créer son port privé. On pourrait continuer sans peine cette insolite énumération avec l’ère Castel qui avait fait en toute liberté un lieu de résidences secondaires pour milliardaires en mal de quiétude. Ou encore l’implication commerciale d’un représentant de la mafia sicilienne ayant instauré un vaste stratagème de blanchiment d’argent. Sherlock Holmes réveille-toi ! Les organisations de défense de l’environnement avaient beau s’égosiller, elles prêchaient dans le désert. Pas de vagues juridico- administratives. Loin de nous l’idée de jouer les thuriféraires de la violence, fut-elle celle baptisée politique. Il n’empêche, le dossier sortit de sa léthargie lorsque le FLNC accosta avec des arguments explosifs. Villas dynamitées et campagne de sensibilisation des clandestins contraignirent les autorités à déciller les yeux trop longtemps fermés. Mais après de pâles déclarations, elles retournèrent à leur torpeur, continuant à mettre en parenthèses faits et méfaits sur ce no man’s land doré. Aussi l’étonnement prévaut quand une publication relaie, sans doute sans en avoir une pleine conscience, des allégations vraisemblablement parties de Corse dans un but de déstabilisation. D’un sujet, l’autre, osons dire que chez nous les indicateurs de cet acabit ne se comptent pas sur les doigts d’une main. Et nous revoilà rattrapés par l’antienne de la rumeur qui broie, met à l’index, flétrit et fait des gorges chaudes. Le propos du grand Moro-Giafferi revient à nos oreilles « La rumeur est parmi nous chassons-la cette intruse, c’est elle qui a donné les clous pour crucifier le Christ. »
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