Le 9 février avait lieu un webinaire (c’est ainsi que l’on nomme une réunion à plusieurs par internet, le web), vocabulaire nouveau apparut grâce au Coronavirus. La pandémie a révolutionné les rapports sociaux. Désormais, le présentiel en réunion est presque devenu une exception. On se parle de plus en plus par écran interposé.
Par Pierre-Louis Alessandi *
Ce webinaire, animé par la directrice générale de l’ARS (Agence régionale de Santé), avait pour but la restitution en Corse du conseil national de la refondation lancé le 8 septembre 2022 par Emmanuel Macron. Une refondation « au plus près des citoyens pour construire des solutions concrètes sur les grandes transformations à venir ». Une sorte de consultation directe, de référendum au rabais qui n’engage vraiment pas celui ou ceux qui l’ont voulu. Exercice sans grand danger donc pour les pouvoirs publics, mais qui a quand même réuni en Corse dans le domaine de la santé 200 élus, professionnels et usagers du 17 novembre au 5 décembre.
Un travail sérieux qui a abouti à la présentation de plusieurs projets pour notre île. Comme celui du SSR (rééducation) en cardiologie de l’hôpital de Bastia qui vise à rapprocher le patient du service, par rapport à son domicile pour effectuer sa rééducation. Une sorte d’itinérance, d’éclatement géographique de ce service. Je cite à dessein ce projet car c’est le seul qu’a nommé le ministre de la Santé qui a conclu (par internet) la restitution. Une conclusion au discours emphatique ponctué de citations sur la Corse de Paul Valéry, de la poétesse De Cuttoli et même d’un proverbe du cru. Et la sempiternelle sérénade sur les corses dynamiques, etc., etc.
Assourdissant silence
Rien sur le financement des hôpitaux de Corse qui sont exsangues, rien sur la construction indispensable d’un nouvel hôpital à Bastia, projet défendu par l’ARS, rien sur le projet de CHU et presque rien sur les projets issus de l’exercice refondation en Corse. Silence sur le handicap !
Pourtant le gouvernement par l’intermédiaire du ministère délégué aux personnes handicapées avait donné des instructions aux ARS et préfectures sur tout le territoire, pour célébrer le samedi 11 février, les 18 ans de la loi du 11 février 2005 sur « l’égalité des droits et des chances, la participation, la citoyenneté des personnes handicapées ». Diverses manifestations ont été organisées, à Ajaccio et Bastia avec le concours des associations, même si le délai pour la préparation a été court ce qui laissait penser à un coup de com orchestré par le ministère.
Des associations étaient présentes aux Cannes à Ajaccio et à Biguglia pour Bastia. Les services de l’ARS, malgré le temps contraint, s’étaient mobilisés pour donner à ces manifestations une tenue à la mesure de l’importance de cette loi qui a créé le droit à compensation du handicap et permis aux personnes handicapées de sortir, pour organiser leur vie, d’un esprit caritatif, paternaliste de la part des pouvoirs publics et des élus, pour favoriser une promotion citoyenne.
Loi détricotée
Depuis 2005, les personnes en situation de handicap peuvent faire valoir ce droit pour construire leur vie et non plus quémander une aide extra-légale accordée ou pas. Hélas ! C’était trop beau. Les premiers à détricoter la loi et affaiblir ce nouveau droit ont été les gouvernements successifs et celui d’Emmanuel Macron a encore aggravé la situation, avec des attaques sur l’AAH (Allocation adulte handicapé), la PCH (prestation de compensation), le remboursement des fauteuils roulants, la baisse du pourcentage obligatoire d’aménagement des logements, les dérogations accordées pour l’accessibilité des ERP (établissements recevant du public)… la liste est longue. L’observatoire national des droits de l’APF France handicap note « que les personnes handicapées et leurs familles se heurtent à des droits bafoués et à de graves cas de discrimination ».
Enjeu citoyen
Les personnes handicapées, les associations présentes à Ajaccio et Bastia dans les manifestations de célébration de la loi de 2005 ont saisi l’occasion pour exprimer en direct leurs attentes, le besoin d’une refondation afin que leurs droits soient consolidés, que leurs applications soient conformes à l’esprit et à la lettre de la loi pour une complète citoyenneté et une entière participation.
La Corse, dont la situation des personnes handicapées reste par plusieurs aspects précaire, a besoin, plus que toute autre, de cette refondation.
*Représentant régional pour la Corse de l’APF France handicap.
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