Sur le modèle de Rungis

Instaurer à Bastia et Ajaccio deux marchés d’intérêt territorial. Voilà le projet de la Chambre d’agriculture de Haute-Corse. Utopie ? Nullement, une étude livre des conclusions de faisabilité et l’assentiment des différents acteurs concernés.

Par Jean Poletti

Regrouper les productions locales. Offrir à la clientèle une production riche et variée sur des sites spécifiques. Mettre en exergue les facettes d’un secteur parfois trop épars en les unissant dans une sorte de coopérative aux allures de mini Rungis. Voilà le pari. Tel est l’enjeu. Joseph Colombani et l’ensemble des élus de la Chambre ont défriché le terrain, traçant ainsi un socle qui donnerait sans conteste une autre dimension au monde paysan. Fromages, légumes, charcuteries, venus des quatre coins de l’île et rassemblés sous l’égide de marchés qui seraient une vitrine faite d’authenticité offerte aux yeux de la clientèle.

En corollaire, cette innovation serait enrichie par une possibilité de faire des emplettes à distance par le truchement d’achats en ligne, conjugué à un service de livraisons. Pour les initiateurs cette stratégie permettrait de mieux sérier les choix des acheteurs et ainsi adapter l’offre à la demande.

Dans cette prospective particulièrement innovante, les fondamentaux ne seront nullement mis en jachère. Tant s’en faut. Ainsi, sera instauré un label spécifique. Il rassemblera qualité du produit, traçabilité et prix. Une trilogie qui rejoindra pleinement la volonté de s’insérer dans l’économie locale.

Au rendez-vous de l’espoir

Ce panel de suggestions fut détaillé sous un chapiteau spécialement dressé à Vescovato. Un rendez-vous auquel avaient répondu en nombre des participants invités à livrer sentiments et plausibles améliorations sur ce dossier innovant aux multiples facettes. Hormis bien évidemment des agriculteurs et leurs délégués, on notait la présence du préfet, d’une délégation de l’Odarc, mais également de représentants de la restauration et du tourisme sans oublier des responsables de la grande distribution à l’image de François Padrona.

Dans un jeu de questions réponses et prises de paroles, l’impression exprimée se fondait dans l’intérêt et le soutien de cette belle initiative. Une unanimité qui donnait si besoin était du cœur à l’ouvrage aux concepteurs. Ils étaient en effets conscients que le succès ne pouvait s’imaginer sans l’adhésion de l’ensemble des acteurs. Cette vaste chaîne d’union devant à l’évidence rassembler le monde de la production et celui, vaste et varié, des consommateurs. Qu’ils soient particuliers, grossistes, détaillants. Cette étape initiale fut franchie sans encombres patents. Et au fil de la rencontre tout donnait à penser que le scepticisme initial de certains s’estompa, laissant place à un réel engouement.

La force de l’union

La partie est-elle pour autant gagnée ? Ne voulant pas mettre la charrue avant les bœufs, Joseph Colombani et ses amis sachant que le chemin sera encore long. Même s’il se présente sous les meilleurs augures. Le savoir-faire doit encore et davantage s’allier au faire savoir. Ce n’est donc pas fruit du hasard si un aréopage spécialement venu de Rungis apporta sa contribution efficiente et volontariste. Là aussi le propos valait encouragement à persévérer dans cette voie insulaire ouverte. L’un d’eux martelait que la Corse brillait par une réelle identité de production. L’autre que la reconnaissance de la qualité des produits n’était plus à démontrer. Et si la comparaison n’est pas de saison, des similitudes existent. Entre un grand marché international comme celui qui fonctionne aux portes de Paris et celui qui pourrait être implanté ici, le fil rouge, fut-il précisé, est la fédération des acteurs. Pour gagner il faut s’unir, souligna en substance Thierry Febvay. Le directeur exécutif de Rungis sait de quoi il parle. Aussi son expertise et ses encouragements ne tombèrent pas dans les oreilles de sourds. Bien au contraire, un tel diagnostic, aux accents positifs, se voulut à maints égards une forte suggestion de persévérer jusqu’à l’épilogue souhaité.

Germes d’espoir

Nul n’en doute. Connaissant la ténacité de Joseph Colombani et son ardente volonté d’être un artisan de l’essor d’une filière tous les espoirs sont permis. Car au-delà de la production, c’est sans conteste aussi un pan de la ruralité qu’il convient de préserver et surtout de dynamiser davantage encore à l’heure où s’inscrit dans l’esprit collectif la nécessité de l’autonomie alimentaire.

À l’évidence la Chambre d’agriculture de Haute-Corse est au milieu du gué. Elle poursuit sans relâche sa stratégie dévolue à peaufiner et finaliser cette idée en résonance avec une révolution verte. Conscients que leur combat d’avenir est juste, rationnel, et bannit de la chimère, ces précurseurs chassent de leur mémoire l’esquisse de l’ombre d’un échec. L’étude vient d’être finalisée. Elle constitue un socle fiable expurgé de toute pesanteur ou entrave.

Plus rien techniquement n’empêche d’espérer l’ouverture des fameux mini Rungis dans moins de deux années.

Germinal possible

Voilà un exemple parmi d’autres qui permet de dire sans ambages que le possible et le souhaitable peuvent s’unir si tant est qu’ils soient cimentés par le désir de réussite. Et ainsi fermer la porte aux Cassandre qui ne voient en Corse que l’aspect négatif. Les amers fruits de la fatalité. Propices à l’immobilisme et à la passivité…

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