Trump sanctionne aussi nos Bacchus

Par Jean Poletti

Depuis qu’il est revenu à la Maison-Blanche, il est sur tous les fronts. Donald le bien prénommé ferait pâlir de jalousie Walt Disney qui créa ce personnage fantaisiste à souhait. L’homme le plus puissant du monde multiplie les annonces donnant le tournis aux autres capitales. Du retrait pur et simple de plusieurs organismes internationaux, en passant sur sa vision de la guerre en Ukraine, Trump a un avis sur tout, comme s’il voulait modeler la planète à sa vision ultralibérale. Son credo est simple, aux lisières du simplisme. L’Amérique, maître du monde. Depuis son bureau ovale, il signe des décrets à tour de bras. Offrant le choix contraint aux grands capitaines de l’industrie de s’installer au pays des cow-boys, ou d’être perclus de taxes s’ils aspirent à y vendre leurs produits. Dans des digressions alternant considérations commerciales et géopolitiques, il laisse même pantois ses proches conseillers devant maintes outrances. Dans ce droit fil, son idée est de chasser les habitants de Palestine, pour transformer ce pays en Riviera du Proche-Orient. La Jordanie et l’Égypte priées d’accueillir cet exode protestent mollement tant elles sont dépendantes de l’aide militaire et économique de l’Oncle Sam. L’idée de ce transfert de population n’est pas récent. Il bruisse depuis près d’un demi-siècle, mais cette fois il est jeté à la face du monde arabe et en incidence de l’Europe. Celle-ci fait des moulinets dans le vide comme pour se donner bonne conscience et tenter de dissimuler son impuissance face au nouvel ordre américain. Une preuve parmi d’autres ? Quand Macron disserte savamment sur l’intelligence artificielle, Outre-Atlantique on met sur la table pas moins de cinq cent milliards de dollars sur cinq ans pour développer la recherche. Rien n’échappe à l’appétit vorace d’un Trump qui semble prendre sa revanche sur les cinq années de purgatoire jalonnées d’affaires judiciaires. Le parapluie de défense dans le cadre du traité de l’Atlantique Nord ? Oui il continuera à condition que les trente-deux pays membres versent un écot plus important. Cela vaut bien évidemment pour la France qui en l’occurrence reste sans voix, arguant l’illusion qu’elle va accroître son autonomie militaire. Le reste est de veine similaire. Il est vrai que le président bis Elon Musk semble être en l’occurrence celui qui conseille aiguillonne et oriente, fut-ce sur des chemins de traverse. Et qu’importent les antagonismes. Celui qui passe pour l’une des personnes les plus riches des cinq continents est un adepte forcené des véhicules électriques alors que son mentor ne jure que par le pétrole. Mais cette césure n’entache pas l’étroite complicité. Tous deux s’entendent comme larrons en foire. Le Sud-Africain paraît intouchable dans son pays d’adoption comme ailleurs. Ainsi lorsque à l’issue d’une réunion publique il fit le fameux Sieg Heil, de sinistre mémoire, nombre d’exégètes de circonstance affirmèrent qu’il ne s’agissait pas d’un salut nazi. On entendit même sur une chaîne d’infos hexagonale un commentateur suggérer que ce geste était un message d’affection adressé à l’auditoire. La litanie se poursuit inlassablement.

Avec l’augmentation des taxes douanières, c’est une partie du marché à l’exportation des vins de Corse qui se ferme aux États-Unis. Les producteurs sont contraints de trouver d’autres débouchés.

Un jour il s’agit du Canada qui conviendrait d’ajouter à la bannière étoilée. Un autre de s’approprier le canal de Panama. Ou de renvoyer plusieurs millions d’immigrés. Sans parler des velléités de mettre au pas la justice et l’éducation nationale. La Corse est-elle fort éloignée de ces considérations ? Oui. À une exception près. Celle des taxes sur les produits viticoles. Leur hausse signifierait pour les producteurs insulaires qu’une porte se fermerait sur un marché porteur. Une sorte de remake initié lors de la première mandature trumpiste. Certains ici anticipant ce veto financier avaient expédié de grandes quantités de leur production. Mais ce n’était qu’un pis aller. Face au tarissement d’une opportunité commerciale qui est la quatrième destination exportatrice les vignerons insulaires ne restent pas passifs. Ils tournent leurs regards vers le Japon et d’autres pays francophones. Mais le fameux rêve américain risque de se briser sur le mur douanier. Aux États-Unis, la production nustrale était particulièrement prisée. Et certains crus pouvait se vendre quatre cents dollars la bouteille. Un Eldorado se tarit. Il représentait au bas mot plus de dix pour cent des exportations et est ressenti comme un coup de serpe dans le royaume de Bacchus. Cela n’est qu’un exemple qui n’a certes pas l’envergure de décisions stratégiques d’un Trump mais qui illustre mieux que longues digressions qu’un large panel commercial est impacté parfois sous des formes insolites. Tout cela pour dire que l’actuel président d’un pays où nombre de villes se nomment Paoli City n’a pas fini d’étonner par ces ukases et sa soif inextinguible d’hégémonie. Il est bien loin le temps où devant le mur séparant les deux Allemagnes John Fitzgerald Kennedy clamait « en tant qu’homme libre, je suis fier de prononcer ces mots : Ich bin ein Berliner ! » Je suis un Berlinois. Voilà vision, et souhait, se fondant dans le creuset de la liberté et de la dignité humaine, aux antipodes des entraves qu’aspire mettre le fort aux chevilles du faible.

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