Ugo Casalonga, créateur d’instruments traditionnels

Pour cet artisan de Pigna, la lutherie est un métier de passion qui s’ouvre par pan. Des pans qui pourraient être assimilés en musique à des mouvements : la fabrication, la restauration, la création. Par Laura Bénedetti

En entrant dans l’atelier d’Ugo Casalonga, a Casa-liutaiu, dont le projet était de faire renaître les instruments traditionnels corses, on touche au plus près à son geste minutieux et indéniablement poétique par sa recherche, ses influences, son histoire, ses tâtonnements, ses métissages traditionnels et contemporains, ses fils infinis… que le luthier ne cesse de tresser en délicatesse.

Ugo Casalonga se destinait au départ au métier d’ébéniste. Puis un glissement s’est fait naturellement après une première approche exigeante de ce matériau de base, le bois. Par ailleurs, joueur de cetera, cet instrument issu de la famille du cistre, aux 8 cordes pincées et à la caisse singulière, c’est à Verona, auprès de Bartolomei Formentelli que l’artisan a façonné sa passion d’un art à un autre, comme on dirait d’un amour pour un autre. À chacun son histoire, le sens et la portée de son art : le sien, celui de faire sonner les cordes, s’est déployé du jeu à la confection. Spécialiste de la cetera, il manipule et fabrique néanmoins tous les instruments à cordes renaissances, baroques, médiévaux, traditionnels, redonnant vie à certains ou vouant leur première naissance à d’autres. Luthier depuis 1984, la fabrication représente le pan dominant de son métier: « la mise en œuvre pour aboutir à l’instrument n’est pas de réaliser des copies mais une interprétation personnelle tout en respectant l’esthétique, les particularismes et l’identité musicale de la période des instruments. ». Ugo utilise des matières nobles, du bois local essentiellement : noyer, cyprès, frêne… et d’autres essences venues d’ailleurs : ébène, érable, épicéa, palissandre. Dépourvu d’artifices, c’est le brut qui se travaille comme l’on coudrait ou recoudrait à même la peau. Le bois est séché naturellement et tout le savoir-faire s’inscrit dans un processus de fabrication artisanale et traditionnelle. Un métier-passion certes, un métier-poème aussi par son esthétique et par la matérialisation du geste de la pensée qui s’opère et résonne dans ce pan plus créatif où, nous dit-il : « l’intuition peut aussi avoir une part dans l’appréhension de certaines des réalisations ». Ses instruments cousus sur mesure prennent forme dans un attelage avec le musicien : réflexions, essais, ajustements répétés vont permettre au final d’aboutir à l’exception de l’œuvre par le choix des matières, le style recherché, les sonorités souhaitées.

L’esthétique du geste
Le luthier créateur travaille le geste, l’affine, le fait le défait pour le refaire par des techniques précises dont la finition de la sonorité est cousue main. Un geste de toute beauté qui transforme le bois en sons. Pour comprendre véritablement ce geste et en saisir sa grandeur, il faut aussi considérer les interférences qu’engendre la créa- tion d’un instrument. Il est réalisé par le luthier mais à destination d’un musicien ancré dans un contexte variant d’un artiste à un autre. Le luthier et le musicien font évoluer l’œuvre dans un échange et une écoute en commun simultanés. Une histoire se brode, celle de l’instrument en train de se faire par un jeu de cordes à tisser et à accorder jusqu’à ce que surgisse le bel événement sonore de la pièce boisée unique. À ce sujet, Ugo nous dit : « ce sont des échanges constructifs et instructifs»; avant d’évoquer le dernier pan de son métier qui passe forcément par : « un peu de restauration où là, on est et on doit être la continuité du luthier créateur. Quelques réparations, c’est un service inhérent à cette activité». Sa passion ouverte recueille de multiples inspirations dans le domaine de la musique, des instruments anciens mais aussi dans d’autres, comme celui de l’architecture ; sans oublier l’inspiration insufflée par ses deux enfants pour lesquels il a réalisé une cetera à chacun, à l’image de leurs caractères. De l’oreille aux mains, Ugo Casalonga est un homme des arts qui fusionne deux passions en une, le bois à la musique, qui lie l’écoute musicale au geste technique dans un mouvement poétique, fait de va-et-vient sensibles.

Atelier de lutherie à Pigna – www.casa-liutaiu.com