Vingt ans de carrière. Passé par toutes les catégories de la discipline, Jean-Baptiste Botti a tout gagné, dominé tous les circuits, toutes les machines, toutes les épreuves. Retiré de la compétition depuis quelques mois, il revient sur son extraordinaire parcours et cette passion toujours bien présente.
Propos recueillis par Caroline Ettori
Vous souvenez-vous de votre premier contact avec la machine ?
Très bien! C’est mon frère aîné, Mathieu, qui m’a fait découvrir le jet-ski. Je devais avoir 6 ans. Nous étions à Santa Giulia, à Porto-Vecchio, et je me souviens d’avoir fait un tour tout près de la plage, au milieu des rochers et au ralenti avec mon père et mon frère. Mais déjà, les sensations étaient là : l’adrénaline, la passion pour la vitesse. J’ai eu mon premier jet-ski à 9 ou 10 ans. C’était vraiment l’amusement du week-end, je ne pensais pas encore à la compétition même si elle est arrivée très vite.
Vous aviez 12 ans pour votre première course…
À l’époque, c’est le concessionnaire de jet à Porto-Vecchio, un ami de la famille, qui a lancé cette idée, un peu comme un défi. Et nous sommes partis pour le championnat de France junior au Cap d’Agde. J’y suis allé pour gagner pensant être le meilleur. Le problème est qu’une fois sur place, je me suis rendu compte qu’il y en avait 20 comme moi ! J’ai fini à la 3e place, déçu, en me promettant de continuer à travailler pour progresser. Une vraie motivation d’autant plus que j’ai su tout de suite que j’aimais la compétition.
Par la suite, tout s’est enchaîné rapidement… Oui, l’année d’après, je devenais vice-champion de France. Un changement de réglementation imposant un permis de pilotage a mis fin au championnat junior national. J’ai alors participé sous licence belge au Championnat d’Europe. En 2003, âgé de 16 ans, j’ai pu intégrer la caté- gorie adulte. Cette année-là, j’ai remporté le Championnat de France et d’Europe en jet à bras et je suis devenu pilote officiel Polaris. J’ai réitéré en 2004 avec un jet un peu plus préparé cette fois, catégorie «limited», l’antichambre de la catégorie professionnelle. Cette saison a été particulière, aussi parce que j’ai remporté aux États-Unis le Championnat du Monde de « ski expert », de véritables machines de F1, toujours en jet à bras. C’était à l’occasion de la course mythique de Lake Havasu en Arizona, la Mecque du jet-ski. Une course que je regardais quand j’étais petit, une référence.
C’est aussi à ce moment-là que vous passez professionnel…
J’entre dans la team Kawazaki en 2005 en tant que pilote officiel. Ma première saison est marquée par deux podiums : vice-champion de France et 3e au Championnat d’Europe. L’année d’après, je cours sur un jet à selle, des machines bien plus grosses que les jets à bras, et cette fois en endurance. Jusque-là, ma spécialité était la vitesse, des courses de 20 à 25 minutes sur jet à bras. Mais ce changement a été judicieux puisqu’il m’a permis de remporter le Championnat de France, de devenir vice-champion d’Europe et d’arriver 3e du Championnat du monde aux États-Unis. Je suis alors premier pilote chez Kawazaki. Les courses et les victoires s’enchaînent jusqu’en 2009 où la saison ne donne rien.
Vous décidez alors de monter votre propre team…
J’avais pas mal de sponsors et j’étais un habitué des circuits. J’ai pu rapidement obtenir un camion, une structure, des équipements… Je suis devenu champion de France en jet à bras, champion d’Europe et du monde en ski pro avant de réin- tégrer une team professionnelle, Rotax Sea-Doo. Si je participe essentiellement aux courses de vitesse en jet à selle, je m’essaie également aux rallyes raid comme en 2014 au Championnat du monde offshore à la Karujet en Guadeloupe. Dans cette spécialité qui s’étale sur 600 km en 5 jours, j’ai décroché le titre de champion du monde trois fois d’affilée en Russie, en Martinique et au Maroc en même temps que je remportais, 3 fois également, les 300 miles d’Havasu.
Pourquoi avoir pris la décision d’arrêter votre carrière en décembre dernier… ?
J’ai disputé ma dernière course en Thaïlande où j’ai décroché le titre de vice-champion de la King’s Cup en jet à bras. Le défi était de recourir en jet à bras après avoir passé près de 7 ans sur jet à selle. C’est fait ! Je peux passer à autre chose. J’ai repris un important chantier de bateau à Porto-Vecchio, je suis également concessionnaire Kawazaki et ma vie de famille est bien remplie avec un petit garçon et bientôt une petite fille ! Ils sont ma priorité.
Que retenez-vous de toutes ces années sur le circuit ?
Des endroits magnifiques comme la Thaïlande ou la Croatie mais c’est quand même compli- qué de trouver plus beau que la Corse! D’autant plus que j’ai pu participer à différents championnats organisés à Solenzara. Il y a aussi les courses mythiques d’Havasu, la satis- faction d’avoir été remarqué par des professionnels en France et aux États-Unis… Mais c’est aussi un milieu très dur, très compétitif, solitaire, et dangereux aussi.
Vous avez déjà eu peur ?
À chaque départ, sans exception. J’ai failli ne pas partir pour ma dernière course parce que mon fils, sur la plage, m’a dit : « papa, je ne veux pas que tu y ailles ». Je pense que c’est le sport mécanique le plus dangereux. Imaginez, nous sommes 10 pilotes alignés sur la ligne intérieure, 10 autres sur la ligne extérieure. Nous allons tous chercher la même bouée située entre 80 et 100 mètres sur des machines qui passent de 0 à 100 kilomètres/heure en moins de 2 secondes. On ne voit rien à cause des embruns, le bruit est assourdissant et en cas de chute, seule la tête dépasse. J’ai eu un bras cassé mais j’ai vu aussi beaucoup de pilotes mourir, des histoires tragiques.
Qu’est-ce qui vous a fait courir tout ce temps ?
Alors que ma mère, trop inquiète, n’a jamais voulu regarder une de mes courses de jet ou de voiture à Ajaccio et Porto-Vecchio, mon père faisait tout pour que je cours. Il arrêtait tout pour m’emmener à l’eau et aux compétitions. Alors la moindre des choses, c’était de faire les choses bien et d’essayer de gagner.
Avez-vous transmis cette passion à votre fils ?
Je lui en fais faire quelques fois, je ne le pousse pas plus que ça. Mais je crois qu’il est déjà trop tard !
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