Un gouvernement en jachère 

Edito

Par Jean Poletti

C’est une atmosphère de Quatrième République qui embue le gouvernement. La faiblesse de la macronie s’étala au grand jour 0 l’Assemblée nationale, révélant d’éclatante manière les failles béantes d’une majorité non seulement relative mais également divisée, indécise. Et dépouillée d’atours stratégiques. Elle vogue sans cap ni boussole sur une mer revendicative qui ourle de grosses vagues. Bruno Lemaire renvoyé à ses chères études quant à sa proposition de réduire le déficit. Élisabeth Borne terrassée par sa calamiteuse gestion du conflit pétrolier. Tel ministre à l’image d’un Véran, affirmant d’emblée que la pénurie aux pompes était vue de l’esprit, avant s’asséner le contraire. La faute originelle de Bercy hostile à taxer les supers profits de l’or noir est pour reprendre un mot célèbre davantage qu’une faute, une erreur. La réforme de la police met flics et magistrats dans la rue. Ici la grogne d’une corporation, là les craintes du petit patronat. Partout ou presque, un climat anxiogène débridé que ne peut juguler une parole étatique démonétisée par trop d’atermoiements. Cul par-dessus tête. L’expression singulière émane du président Macron. Elle qualifiait son impossibilité de s’immiscer dans une grève. Mais au-delà ne renvoie-t-elle pas à un aveu d’impuissance des adeptes patentés du fameux en même temps, érigé en doctrine ?

Certes, la situation n’est pas un long fleuve tranquille. Nul n’en disconvient. Osons toutefois rappeler qu’une équipe aux responsabilités n’a pas pour unique vocation de commenter les situations, mais d’agir pour émettre un diagnostic et appliquer les meilleurs remèdes possibles. Il ne suffit pas de faire un clin d’œil à l’histoire en créant un CNR dont le sigle renvoie à une posture gaullienne pour faire acte politique. Le bon peuple attend autre chose que des formules creuses et l’antienne éculée « on prend nos responsabilités » aux détours de phrases ou interventions. La ficelle est un peu grosse et les éléments de langage demeurent lettres mortes au sein d’une société qui tourne le dos au Palais présidentiel, assimilé à maints égards à celui des chimères.

Et la nave va. Où ? Nul ne le sait vraiment. Après avoir disloqué le parc nucléaire, pour satisfaire le lobby écologique, le pays risque les délestages. Et toute honte bue, dans une révolution copernicienne, nos gouvernants optent pour la réouverture de centrales à charbon ! Courteline pas mort. Inutile de verser dans le réquisitoire acéré. Déciller un tant soit peu les yeux suffit à déceler une gestion d’un pays teintée d’amateurisme. Absence de vision, clament certains. Compétence toute relative des détenteurs de portefeuilles ministériels, rétorquent d’autres comme en écho. Il est vrai que certaines nominations laissent dubitatifs. Sans vouloir charger la mule, celle de l’Éducation nationale interroge. Alors que les islamistes accentuent quotidiennement leurs pressions dans les établissements scolaires, le chef de cette institution a sur la laïcité un discours qu’en euphémisme peut être qualifié d’ambivalent. Samuel Paty doit se retourner dans sa tombe ! Sans égrener une liste à la Prévert disons simplement que cette équipe, qui occupe actuellement les immeubles lambrissés, fut dit-on choisie pour ses capacités insignes de gestion. Nombreux n’ont aucune surface politique et a fortioriélectorale, nommés par le fait du prince ils devaient constituer un groupe, presque une task-force technique. Est-ce le cas ? Poser la question équivaut à répondre négativement. En témoignent les indigentes réponses au courroux parlementaire et populaire qui déferla après l’ignoble assassinat de la petite Lola. Et comme si cela ne suffisait pas voilà que l’insubmersible Bayrou sort du bois. Celui qui est en charge de la prospective, excusez du peu, dit sous un ton faussement mielleux qu’il soutient Macron comme la corde le pendu. Coucou le revoilà en lice pour la prochaine présidentielle. D’autres aussi dans le camp Renaissance sont déjà sur la ligne de départ. Les dagues sont sorties. Chacun s’observe et s’épie. La France et ses problèmes attendront. L’arme du 49.3, désespérément brandie, n’est finalement que l’illustration d’un aveu de faiblesse et l’artifice constitutionnel d’un pouvoir à vau-l’eau. 

Dans cette conjoncture à la fragilité de cristal, les problématiques insulaires ne doivent vraisemblablement pas être la priorité absolue sur les bords de la Seine. L’allant initial s’est étiolé au fil des mois. Sans doute était-il illusoire et uniquement dévolu pour Paris à calmer les ardeurs de la jeunesse. En toute hypothèse et sans préjuger des aléas hexagonaux, le temps est venu de parler clair et vrai selon le dogme théorisé par Rocard. Sortir des chemins de traverse éviter l’enlisement, terreau de débordements. Le reste n’est que littérature et effets de manche. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Encore faut-il, chez nous comme dans l’Hexagone, que l’adage ne soit plus vœu pieu. Et illusions perdues. 

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