Edito
Par Jean Poletti
La Corse n’en finit pas de panser ses plaies. Loin de célébrer l’avènement du printemps, symbole du renouveau, elle se fige maintenant dans la crainte d’un retour aux années de plomb. Comme si la spirale de la fatalité sociale économique et politique était la trilogie indépassable d’un destin collectif habillé de rouge et de noir. Corsica ùn averai mai bè ? L’adage de Pasquale Paoli taraude bien des esprits. Pourtant notre longue route semée de doutes et d’embûches est parfois jalonnée de réussite. A l’image d’Inseme et de sa présidente Laetitia Descoin-Cucchi qui nous offrent une éclaircie dans un ciel insulaire ourlé de noirs nuages. L’association d’aide aux malades célèbre actuellement ses dix ans d’une initiative humanitaire et altruiste. Au-delà de sa réussite elle témoigne d’une capacité intacte à la mobilisation pour une cause juste. Elle résonne dans les cœurs et les esprits aux accents d’une révolte face à l’iniquité souvent compagne insulaire de la maladie. Une bienfaisante implication se tisse et s’amplifie du Cap à Bonifacio. Du littoral à l’intérieur. Et franchissant la mer, faisant également escale sur le continent où elle rencontra un écho favorable au sein de la diaspora. Il a été dit et souligné que l’absence d’un Centre hospitalier universitaire dans l’ile s’apparente pour les patients à une double peine. A la douleur se greffe et se superpose la nécessité de se rendre sur le continent pour bénéficier de soins. Iniquité ? Oui sans doute. Elle est battue en brèche par l’implication financière des chefs d’entreprises, associations culturelles et associatives, édiles, anonymes et citoyens. L’argent et le bénévolat. Voilà la salutaire réaction qui irrigue l’ensemble de la société et entrant en résonnance avec le fameux concept du vivre-ensemble. Avec en corollaire un supplément d’âme. Celui traverse notre société et la réunit dans l’ancestral aiutu, qui nous rassemble quand l’exige la situation. Tel est en l’occurrence le cas. Voilà l’enjeu cardinal. A cet égard, le terme Inseme ne devant rien au hasard, renvoie à l’évidence à ce particularisme qui fonde l’espoir et l’efficience. Celui qui ressuscite ces valeurs similaires, intemporelles. Enracinées dans le passé. Presque mis en jachère. Mais pouvant s’irriguer et tracer les sillons de la générosité au fil des circonstances.
Progressivement, un esprit collectif s’est constitué sous une bannière qui claque au vent de la fraternité. De manière diffuse ou exprimée s’instaure un sentiment d’appartenance et d’unicité dans cette squadra ou chacun a son importance. Oui, il s’agit bien d’une équipe au maillot sponsorisé par l’équité. Piliers, supporters, bienfaiteurs, éléments venus d’horizons divers, Soudés dans une complémentarité qui renvoie au jugement du poète Nicaraguayen Toma Borge « La solidarité est la tendresse du peuple. »
En bannissant tout compte d’apothicaire ou détail exhaustif soulignons simplement que le nombre de bénéficiaires de l’opération Inseme est passé de quatre en 2011, a plusieurs centaines actuellement. Un accroissement qui dénote si besoin était l’impérieux besoin d’une telle structure qui, hier comme aujourd’hui, épouse la nécessaire confidentialité, afin de préserver la dignité.
Nul ne disconvient que la sollicitation désintéressée s’avérait juste. Sans craindre l’éventuel panégyrique tout indique que l’appel aux consciences confinait à une mission quasi sacrée. Celle qui aspire à atténuer un destin contraire, fait de lits de douleurs et d’éloignements médicaux. Oui, mille fois oui, cette générosité ceinturée de bénévolat s’immerge dans les arcanes psychologiques qui fondent une communauté. Celle qui allie le dévouement et la bienveillance a l’estru nustrale.
En péroraison écoutons le grand Hugo nous dire au-delà de l’espace et du temps : « La grande chose de la démocratie c’est la solidarité. ». Tutti inseme e cusi sia.
Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.