Vive la crise !

Edito  – mai 2018

Par Jean Poletti

Rien ne va plus. Tel est le discours ambiant qui traverse la société insulaire. Un invisible mur des lamentations semble s’édifier progressivement, sur lequel se fracasse l’idée même d’imaginer l’avenir. Les chemins du futur existent pourtant. Ils sont embourbés dans la gangue du défaitisme. Soyons réalistes demandons l’impossible clamaient il y a cinquante ans les révoltés des barricades. L’histoire ne repasse pas les pavés, et la situation n’est nullement comparable. Pourtant, ce slogan ne pourrait-il pas être dépoussiéré et initier chez nous aujourd’hui une prise de conscience prélude aux lendemains qui chantent ?

Des initiatives jalonnent notre territoire. Une manifestation Corse Capitale, sur les bords de la Seine. Des jeunes qui créent et entreprennent. Ici une association rurale se dressant contre l’absence d’un médecin, là l’union bénéfique contre la vente du domaine de Casabianda. Une stratégie touristique qui redore son blason. La liste est aussi longue qu’un jour sans pain. Chacun en est dans sa micro-région l’acteur ou le témoin. Et pourtant dans un paradoxe surprenant ces actions exemplaires sont fréquemment mises sous l’éteignoir et étouffées par une sorte de pensée unique d’une ile à la dérive, proche du naufrage, sans espoir de survie. Si l’on refuse de se limiter à l’écume des choses, osons affirmer sans l’esquisse de l’ombre d’une hésitation qu’une telle dialectique alimente l’immobilisme, l’inexorable, et réduit comme peau de chagrin l’avènement du renouveau pourtant indispensable pour sortir de l’ornière. La Corse recèle d’atouts. De talents. Son insularité, jugée handicapante, peut même devenir bienfaisante si l’on daigne sublimer son particularisme, sans pour autant se cristalliser dans un passéisme qui s’apparente parfois aux vieilles lunes. Voulons-nous voir se lever l’aube de l’essor partagé ? Telle est la magistrale interrogation. Elle doit d’abord et avant tout se départir de cette fâcheuse habitude, presque un réflexe de Pavlov, de rendre fréquemment autrui responsable de tous nos maux.

Possédons-nous les ressources intellectuelles et prospectives pour que l’un des plus beaux pays du monde noue un véritable partenariat avec le mieux-être? L’inverse équivaudrait à valider la théorie selon laquelle nous devrions être indéfiniment sous respiration économique artificielle. Introspection ? L’assistanat érigé en politique durant des décennies, des deniers publics qui se perdirent durant trop longtemps dans les sables de la prévarication. L’absence de stratégie et de vision globale qui nous mina des lustres durant. Bref, a pulitichella. Et en toile de fond, subtile mais omniprésente, la confusion néfaste entre l’intérêt général et la somme des intérêts particuliers. Le résultat? La Corse ruisselante de potentialités a la pauvreté pour compagne d’infortune. Incompréhensible ? Sans doute. Illogique ? Nullement, sauf à croire que le développement n’est que pur fruit du hasard. Le constat est terrible, précarité, chômage, jeunesse désorientée, logements sociaux aux abonnés absents, alors qu’un habitant sur cinq vit sous le seuil de la pauvreté.

Changer de cap et de logiciel. Voilà l’énorme tâche. Ce ne sera pas une sinécure, tant le passif est lourd. Mais l’alternative est limpide: La Corse doit Réussir sa mutation et façonner le mieux-être de ses habitants, ou décrocher définitivement. Laissant ainsi des forces occultes faire main basse sur une ile. Vive la crise ? Oui, si elle entraine l’indispensable sursaut.

 

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