Après dix-sept saisons, passé sur les terrains, le milieu défensif Yannick Cahuzac a mis un point final à sa carrière en mai dernier. Joueur pour le moins déterminé, homme discret et pudique, celui qui ne se destinait pas au monde professionnel est aujourd’hui un exemple de longévité et de loyauté dans un sport qui semble avoir perdu ses repères. Pour Paroles de Corse, il revient sur son parcours et envisage la suite de sa carrière. Yannick Cahuzac joue les prolongations. Et c’est tant mieux.
Par Caroline Ettori
Depuis l’annonce de l’arrêt de votre carrière, comment passez-vous vos journées de jeune retraité des terrains ?
Je profite de mes vacances, je me ressource en famille et avec mes amis. Dans un premier temps, je souhaitais couper complètement mais l’adrénaline et surtout le sport me manquaient. Alors je cours pour me dépenser, je joue aussi au footy et au final, cet été ressemble beaucoup aux étés précédents.
Avez-vous quitté Lens avec le sentiment du devoir accompli ? Vous étiez le capitaine d’une équipe qui a fini à la 7e place du classement de Ligue 1 cette saison.
Oui et cela va même au-delà de mes espérances. Quand j’ai quitté Toulouse pour le RC Lens, l’objectif du club était la montée en L1. Cela fait maintenant deux ans que nous avons été promus et en toute logique, notre principal objectif reste le maintien. Avoir frôlé la qualification en coupe d’Europe cette saison, c’est assez exceptionnel.
Que vous ont apporté les clubs successifs pour lesquels vous avez joué du GFCA au Toulouse FC en passant par le SCB ?
Chaque club m’a apporté des choses très différentes. J’ai découvert ce sport au « Gaz » et j’y ai vécu mes premières sensations. Le Sporting m’a façonné sur le plan professionnel mais aussi sur le plan humain. J’ai intégré le centre de formation à 15 ans et le club a fini de parfaire mon éducation. J’y ai grandi en tant qu’homme et en tant que joueur. C’est tellement fort… C’est même trop ! Enfin, Toulouse et Lens m’ont permis de voir ce qui se faisait ailleurs et de manière plus personnelle, ça a été aussi une aventure familiale puisque nous sommes partis avec ma femme et mes deux enfants.
Avez-vous un regret dans votre carrière ? Vous mentionnez souvent vos cartons rouges…
Je n’ai pas de regret. Je ne pensais pas avoir une carrière professionnelle et vivre autant d’émotions. Et concernant les cartons rouges… Je ne m’en vante pas mais ça fait partie du joueur que j’ai été. Je me pénalisais, je pénalisais mon équipe, ce n’était pas facile à vivre.
Un bon souvenir ou le meilleur souvenir ?
C’est compliqué, il y en a tellement ! Les montées avec le SCB, de National en Ligue 2 puis de Ligue 2 en Ligue 1, la finale, même perdue, de la Coupe de la Ligue face au PSG en 2015 au Stade de France et les près de 40 000 Corses dans les tribunes, mon premier match en Ligue 1 contre Reims, battre Paris à domicile… C’est fou !
Vous avez parlé d’une « petite mort » en référence à l’arrêt de votre carrière, c’est un terme très fort…
C’est vrai, c’est mon ressenti. J’ai commencé à l’âge de 4 ans et prendre la décision d’arrêter n’a pas été facile. La peur du vide, ne pas savoir vers quoi me tourner, c’est troublant. J’ai conscience d’être un privilégié, d’avoir été chanceux de faire de ma passion, mon métier. D’autant plus que je n’ai jamais pensé devenir professionnel. Ce désir n’est venu que très tard. Une fois arrivé en CFA, je me suis dit qu’il ne me restait plus que cette marche à atteindre, qu’il fallait y aller. En cela, ma carrière n’est pas due au hasard. Je n’ai jamais vécu sur mes acquis et j’ai toujours voulu aller plus loin. Mon parcours s’est construit ainsi et aujourd’hui encore, je suis résolument le chemin que j’ai envie de prendre.
Est-ce qu’on arrête d’être le joueur qu’on a été, un sportif de haut-niveau, juste en le décidant ?
C’est dur de passer du tout au rien. Psychologiquement, il y a un relâchement évident, il faut intégrer la notion de plaisir, savoir apprécier les écarts qui sont plus fréquents. Jusqu’à présent, avant même le début de la saison, je devais me tenir prêt physiquement et j’arrivais à me « faire mal » pour maintenir ce niveau d’exigence. Dernièrement, c’est devenu plus difficile. Ma décision d’arrêter est essentiellement liée à la contrainte physique. Même si j’avais le mental pour continuer, il ne fallait pas se mentir et risquer de faire l’année de trop. Je l’aurais mal vécue.
Qu’est-ce que vous aimez dans le foot encore aujourd’hui ?
C’est un milieu réputé malsain perverti par l’argent. La cohésion sur le terrain et dans les vestiaires est rare mais quand elle est là, c’est extraordinaire. Elle nous permet de vivre des moments magiques. Ce sport et son environnement ont beaucoup changé depuis mes débuts. À l’image de notre société. Le foot et les mentalités évoluent de la même manière. Dans le bon sens ou pas, je ne sais pas…
Vous envisagez de devenir entraîneur, comme votre grand-père ?
Tout à fait. Je reprends le flambeau ! Quand je me pose la question de savoir ce que j’ai envie de faire, la réponse est évidente : le foot, c’est toute ma vie. Et cela fait un moment que j’ai basculé en abordant l’entraînement différemment. Je cherche à comprendre le comment du pourquoi d’une séance, à la fois le côté physique et stratégique. Je m’inscris dans cette réflexion et j’aborde cette étape comme un nouveau défi. J’ai envie de me donner les chances d’y arriver. Je passe mes formations et Lens m’a proposé d’intégrer son staff technique en tant qu’entraîneur adjoint.
Vous avez conscience d’être un modèle pour les jeunes joueurs et sportifs insulaires ?
On me le dit mais j’ai encore du mal à l’accepter. Ça me touche.
Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.